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Un festival de culture générale ! L'historien américain nous fait découvrir Poggio Bracciolini, alias le Pogge : nous sommes en 1417, l'humaniste chevauche vers le monastère de Fulda espérant y découvrir des manuscrits anciens encore inconnus de ses amis de Florence et de Rome.

Si ce livre d'une grande érudition et en même temps d'un abord relativement aisé prend appui sur un personnage central, le Pogge, il permet aussi de s'approcher de la vie des humanistes, dans le contexte de la crise de l’Église — le grand schisme d'Occident semblait devoir ne jamais finir — et d'aborder l'histoire du livre et de la lecture depuis l'antiquité gréco-romaine jusqu'au scriptorium d'un monastère du Saint-Empire. La redécouverte du De rerum natura de Lucrèce constitue donc une date essentielle de l'histoire culturelle européenne.

Originaire d'un village toscan, le Pogge s'est fait des amis à Florence où il compte parmi les protégés du chancelier humaniste Coluccio Salutati, et le voici bientôt laïc au milieu des prêtres qui entourent le Pape. Son écriture fait merveille à la Curie romaine où l'on croule sous les correspondances. Il a accompagné Jean XXIII au concile de Constance : mais le pape né Cossa n'est qu'un vaurien qui est renversé et emprisonné : le pape controversé a perdu son titre, le Pogge a perdu son emploi, libre de partir à la recherche de manuscrits...

Depuis Pétrarque et les années 1330, le milieu humaniste s'est lancé dans cette course aux manuscrits grecs et latins car c'est par cette voie que passe alors l'avenir d'une renaissance intellectuelle. Les monastères, où les moines doivent travailler à copier les textes pour les sauver, deviennent la source qui abreuve le petit monde des humanistes. Le Pogge découvre donc fortuitement, au début du Quattrocento, en 1417 précisément, l'œuvre de Lucrèce dans son intégralité et en envoie la copie à son ami Niccoli. Les copies manuscrites font sortir l'œuvre de l'oubli et bientôt l'imprimerie permet de diffuser ce poème philosophique dont tous reconnaissent l'excellence du style, mais dont les autorités catholiques s'efforceront longtemps de combattre les idées.

En effet l'atomisme de Lucrèce est aux antipodes de l'orthodoxie chrétienne ! Il nie tout ce que le Christ a enseigné. La recherche du plaisir même modeste et le refus de voir dans la douleur la possibilité du rachat des péchés s'opposent aux croyances et aux pratiques que l'Eglise accepte. A Rome, Giordano Bruno est condamné à mort pour ses affirmations atomistes, pour son athéisme donc. Néanmoins, comme le montre Stephen Greenblatt, l'œuvre de Lucrèce continuera d'influencer les humanistes : Montaigne la citera plus de cent fois dans ses Essais et Jefferson inscrira « la recherche du bonheur » dans la Déclaration d'indépendance de 1776.

Quant au Pogge, après la découverte du manuscrit en 1417, on le retrouve secrétaire d'un archevêque anglais, puis de retour à Rome au service lucratif d'autres papes. Il collectionne des statues antiques, prend une maîtresse et à cinquante-six ans épouse une florentine de dix-huit que le lecteur est libre d'imaginer en Vénus de Botticelli.

 

Stephen Greenblatt. Quattrocento. Traduit par Cécile Arnaud. Coll. Champs, 2015, 381 pages.

 

 

Tag(s) : #RENAISSANCE, #HISTOIRE GENERALE
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