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Trois micro-fictions composent ce recueil qui doit son titre au second texte. La romancière coréenne née en 1959 analyse ici le sentiment de solitude, et aussi d'incompréhension, avec les difficultés de communication entre individus, même au sein d'un couple.

Avec “Il ne neige plus au pays natal”, un garçon de treize ans, Jun-yeong, raconte sa solitude d'abord due au bégaiement qui s'accentue en hiver quand il neige. Puis, quittant un père qui gère une scierie en province, il a suivi sa mère, Houmiko, partie vivre en banlieue de Séoul. Il y rencontre Seong-guk, de deux ans son aîné, fils un peu voyou de la très maquillée Tomoko. Les deux garçons traînent dans un quartier mal famé. Seong-guk se retrouve en prison suite à une agression dont Jun-yeong n'est pourtant pas innocent. A la fin des vacances d'hiver, Jun-yeong change de collège : « Je dois partir avant que Seong-guk ne me dénonce ».

La seconde nouvelle nous fait connaître So-yeon dite Sora, d'abord à l'école primaire au village, puis femme mariée à Séoul. Sora est la bonne élève typique que les autres détestent, de plus elle est la fille de gens riches et très cultivés : bref, dans la cour de récréation elle manque de naturel et parle comme un livre. Son institutrice ne sait comment la rendre plus sociable. Quand on retrouve Sora après son mariage, elle est une femme qui s'est rendue insupportable aux yeux de son mari, accumulant les maladresses ; il lui conseille de prendre un emploi pour briser sa solitude et prendre du recul. Secrétaire de direction, elle conserve les mêmes difficultés relationnelles avec le personnel. Une aventure extra-conjugale avec un client de l'entreprise l'amène à retrouver un ancien camarade de classe qu'elle peine à reconnaître. Petit copain, mari, amant : Sora finit toujours par rater sa vie privée. « La vie se répète. On ne peut pas se dégager du piège, et même quand on grandit, les événements se répètent. À chaque fois on réagit comme on a appris à le faire dans l'enfance, et le résultat est toujours le même. »

Avec “L'Héritage” l'auteure nous convie à un tragique mini-roman familial. Un chef d'entreprise qui semblait avoir une position solide et appréciée dans la société coréenne se fait soigner pour un cancer à l'estomac. Malgré un pronostic favorable, après deux ans de rémission et de retour à une vie mondaine loin du foyer, vient l'issue fatale. Le texte décrit avec beaucoup de réalisme la dégradation de la santé de cet homme, la chute de sa fortune compromise dans une spéculation financière cachée à sa famille, en même temps que les réactions de son épouse dévouée, de leur fils J qui se sent impuissant et de leur fille N célibataire distante, soucieuse de se trouver « l'oiseau rare » : « Elle n'éprouvait aucune affection particulière pour ce père. »

Le thème de la solitude revient régulièrement dans ces textes, s'aggravant de l'isolement de l'individu face aux autres, passant par la maladie, la séparation ou le célibat. La solitude pèse à Jun-yeong comme à sa mère Houmiko. La solitude tenace de Sora est celle d'une fille unique qui, devenue mère ne sait aimer ni son enfant ni son mari. Dans le dernier texte, le désespoir de la famille est accentué par des craintes matérielles et l'abandon — peut-être teinté de cynisme — de la part des relations professionnelles du père.

Outre la qualité de l'étude psychologique, le lecteur trouve ici des aperçus intéressants sur la civilisation coréenne où la modernité des années 1980-2000 n'a pas tué toute tradition.

• EUN Hee-kyung. Qui a tendu un piège dans la pinède par une journée fleurie de printemps ? - Traduit du coréen. Decrescenzo éditeurs. 2013, 137 pages.

 

 

 

Tag(s) : #LITTERATURE COREENNE
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