Avec Yves Montand dans le rôle principal, tout le monde connaît “Z” : le film de Costa-Gavras adapté du premier succès littéraire de Vassilis Vassilikos. Un quart de siècle plus tard, l'écrivain grec choisit pour titre une autre lettre de l'alphabet... Mais sous une couverture de fiction se cache l'histoire à peine romancée de l'affaire Koskotas, un énorme scandale politico-financier qui éclata en Grèce à la fin de l'année 1988. Les colonels ennemis de Z avaient été chassés du pouvoir en 1974 ; un parti de gauche, le Pasok gouvernait le pays depuis 1981 ; le scandale entraîna sa chute.
Il était une fois un émigré grec à New York : Georges K. En 1979 le voilà qui décide de rentrer au pays muni d'un joli pécule résultant d'une escroquerie au détriment du système social américain, d'un emprunt à la mafia, et de faux diplômes universitaires. Recruté par la Banque de Crète et devient très vite le propriétaire et le manager de cette petite banque privée à laquelle il donne une croissance exceptionnelle ; grâce à des pots-de-vin la législation est transformée permettant aux entreprises publiques d'y déposer leurs fonds. Or, l'Etat grec contrôle alors à peu près 70% de l'activité économique. On se bouscule dans le bureau de K pour obtenir des valises de billets pour financer les élections et permettre l'élection des députés du Pasok. Ses amis au pouvoir lui demandent obtenir des emplois pour leurs familles dans ses agences bancaires dont le nombre a explosé. Pourtant, en achetant ou créant de nouveaux journaux dotés d'équipements modernes, projetant une radio et une télévision privée, il bouscule les intérêts et s'attire l'hostilité de journalistes attachés aux traditions.
La narration de Vassilikos se focalise particulièrement sur les années 1987-1989. C'est d'abord une invitation d'hommes d'affaires à la Maison Blanche qui lève un coin du voile : les services secrets américains découvrent qu'il a escroqué le fisc américain. Il doit fuir dans l'avion prêté par un homme d'affaires qui espère lui racheter à bas prix certaines de ses entreprises. En Grèce des journaux hostiles soupçonnent ouvertement K d'avoir utilisé l'argent de la mafia pour acquérir la Banque de Crète. Le gouvernement, qui pourtant profite pleinement du système de corruption généralisée, ne peut éviter une enquête financière. La chute de George K commence. Le chef du gouvernement, Andreas Papandréou, est dans une situation difficile : syncopes, opération cardiaque à Londres, liaison avec une jeune hôtesse de l'air qui a posée nue pour un magazine et dont il fait sa maîtresse officielle. Dans ces conditions, lâcher K ne lui est pas très difficile... Après son incarcération aux États-Unis, les révélations de K précipitent la crise politique grecque. Un méga-procès devra juger de nombreux responsables politiques...
Par ironie et par nécessité, le livre paru en 1992 utilise des pseudonymes : Andréas Papandréou devient ainsi Peronescu, du nom des dictateur argentin Peron et roumain Ceaucescu ! Un autre responsable est appelé Rain Man ! L'auteur est dans une position inconfortable puisqu'il a dirigé la télévision publique grecque dans ces années et qu'il a personnellement connu pas mal d'acteurs du scandale. Pour faire passer son récit, il lui donne la forme d'une conversation souvent très anecdotique avec son petit-fils, lequel se partage entre l'écoute du grand-père conteur et ses jeux video. Pour avoir détourné plus de 200 millions de dollars, Georges Koskotas fut condamné à 25 ans de prison (et libéré par remise de peine en 2001), quant à Andréas Papandréou, blanchi à 7 voix contre 6 au Tribunal spécial à Athènes, il revint au pouvoir en 1993 et mourut trois ans plus tard. Notez que la 4ème de couverture du Seuil contourne diplomatiquement la référence à l'affaire Koskotas, au Pasok et à Andréas Papandréou redevenu chef du gouvernement.
• Vassilis Vassilikos. « K. » — Traduit par Hélène Fronistas. Seuil, 1994, 410 pages.