Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Le débat sur l'identité nationale faisait des ravages dans une France qui doutait d'elle-même et semblait devoir se scinder en « communautés » se détestant les unes les autres. Christian Authier, tout juste quarante ans, fêtait son anniversaire avec ses potes, et s'interrogeait : la France est-elle vraiment foutue ? « Nous bûmes sans modération ce 18 juin 2010 »...

 

Résister ! Comme Charles de Gaulle le 18 juin 1940, Authier a le sentiment que l'heure est à la résistance pour sauver les valeurs auxquelles il croit. Aussi commence-t-il par faire le tour de quelques héros de la Résistance — dont il exclut Guy Môquet à cause de sa lettre trop célébrée, à laquelle il ne trouve « aucune valeur pédagogique ou historique ». Authier préfère d'autres résistants, comme un Gabriel Péri, un Mendel Langer « juif, étranger, communiste », ou d'autres qui ont rejoint de Gaulle dès la première heure de Vichy et brillé dans l'épopée des FFL. Ce qui n'empêche pas l'auteur de saluer le Waffen SS français Christian de La Mazière, car les salauds partagent au moins un mérite avec les héros : celui de se distinguer des opinions convenues de la masse moutonnière. Ce goût pour mélanger les extrêmes se retrouve avec sa galerie des héros de la guerre d'Algérie, Germaine Tillion et Pâris de La Bollardière, opposés à la torture, et qu'il fait voisiner avec Elie de Saint-Marc, Massu et Bigeard qui ont dû l'accepter, et Ausaresses qui s'en est vanté. Jusque-là, cet essai passe pour une révision politico-militaire de décennies récentes.

 

La suite du livre semble s'enliser et s'épuiser dans la commémoration de quelques matches de football, la célébration du pinard de copains viticulteurs — il conserve les bouteilles vides — et la fréquentation de bars louches. Pourtant, l'auteur ne perd pas de vue la critique des fausses valeurs : « Je n'aime pas cette époque qui voue un culte à l'argent ». Il dénonce le fric qui corrompt le football et ses « gamins milliardaires », pitoyables grévistes de la Coupe du Monde 2010, aussi bien que les grands crus de nos terroirs : il en veut « à la chimie, à l'œnologie moderne et aux artifices qui ont transformé le vin en produit formaté ». Sus au capitalisme mondialisé !

 

On l'a compris, notre prétendue modernité — avec ses métropoles victimes arrogantes de « l'homogénéisation du monde » et qui se ressemblent toutes comme des aérogares — est la bête noire de l'auteur. L'anglais d'aéroport, le globish du marketing, des réseaux sociaux, des médias cool l'énerve autant que le snobisme « germanopratin ». Le pamphlet vise particulièrement Frédéric Martel et son “Mainstream” (2010), qualifié de « pauvre truffe » et de « corniaud ». On l'a compris, Christian Authier aime polémiquer et défendre ses valeurs avec passion plus qu'avec raison, donc avec excès. Il dénonce le Français « nioulouque », collabo du déclin, vissé devant ses écrans. Il y a, à ses yeux, une belle devise à prendre chez le Bernanos de “La France contre les robots” : « On ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l'on n'admet pas tout d'abord qu'elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure ». Écoutons son conseil : « Il faudrait plus souvent revenir à De Gaulle » et à l'esprit de Résistance car la vraie patrie, l'intime, la langue « de chez nous », tout cela est honteusement attaqué. Heureusement le polémiste peut compter sur ses amis pour la défense de la France et de ses lettres : Bernard Chapuis, Stéphane Hoffmann, Jean Rolin, Bruno Tessarech, Philippe Vilain, etc...

 

Un essai qui prône l'amitié avec une telle chaleur et défend la langue française avec tant de fougue — les vraies valeurs « de chez nous » — ne peut vraiment laisser personne indifférent, me dis-je. Alors, pas franchouillard du tout ? — Si ?

 

• Christian Authier. De chez nous. Stock, 2014, 170 pages. Prix Renaudot de l'essai 2014.

 

 

Tag(s) : #LITTERATURE FRANÇAISE, #ESSAIS
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :