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Coulon-Grandes villesCécile Coulon jette un regard sur son village natal, en convoquant ses propres souvenirs et ceux de ses camarades : enfants puis adolescents, ils y ont connu le bonheur dans les années 1990. Cette description subjective idéalise la vie dans ce hameau auvergnat de cinq cents âmes. Ces villages perdus, « on les habite pour rêver d’en partir et on rêve d’y revenir une fois parti » confie l’auteure. Elle veut casser les préjugés des citadins pour qui ces bourgs « n’existent pas », juste pour y randonner l’été ou s’y adonner au ski. De même, elle prétend que pour les jeunes villageois, « les grandes villes n’existent pas » non plus. Pourtant, C. Coulon concède que la ville , où elle allait au lycée, ne lui parut « ni meilleure ni pire » que son village, « juste complémentaire ». Certes, dans une certaine mesure, C. Coulon et ses ami(e)s ont été heureux au pied des volcans ; pourtant leur vie n’y échappait pas à de pesantes contraintes.

Les villageois ne sont ni des « péquenots » ni des « rurbains » ! Et il est faux de penser que vivre en campagne soit « le paradis pour les enfants, l’enfer pour les adolescents » qui s’y ennuieraient plus qu’en ville. Car à tout âge les jeunes font l’expérience de la liberté et de l’autonomie. À cette époque, il n’y avait qu’une boulangerie, une épicerie et un bar-tabac dans son village. Quelques familles privilégiées disposaient d’un ordinateur, d’internet, d’une TV ou d’un portable Nokia, mais les relais téléphoniques dysfonctionnaient souvent. Le bonheur des jeunes ? Être dehors par tous les temps, libres de traîner tard dans les ruelles sans risque d’agression ni de vol ! Aller seul chercher le pain rendait un peu autonome ; aller promener le chien servait de prétexte à draguer. À tout âge les jeunes participaient à la vie villageoise mais toujours surveillés par les aînés : leur éducation se faisait dans la famille et à l’école, mais aussi au stade ou dans la salle des fêtes. Dans cette « cage sans barreaux », chacun était connu et obligé à bien se tenir. Plaisir de l’espace, des jeux, des promenades sans aucun doute. Mais, sans librairie ni point presse, seule la famille permettait de se cultiver, si elle possédait des livres. Sans médecin, « la maladie c’était l’aventure » ; sans transports en commun, toutes les distances dévoraient du temps. Posséder un scooter, avoir son permis et la porte s’entrouvrait sur le monde. La ville existait malgré le titre : les parents y conduisaient les jeunes pour se vêtir ou voir un film le week-end. Rejoindre le collège par les cars de ramassage scolaire, c’était déjà s’échapper mais au prix de la fatigue de partir tôt pour rentrer tard ; les jeunes villageois y rencontraient d’autres jeunes inconnus aux références culturelles différentes, venus d’autres hameaux : rivalités, bagarres, tous faisaient l’expérience de la violence sociale. Entrer au lycée, sortir du cocon campagnard, plonger dans la ville, fast-foods et cafés, c’était partir enfin !!

Néanmoins Cécile Coulon  aime revenir au village, en constater les changements, les nouveaux venus, les belles maisons à la périphérie. S’écrit alors cette ode nostalgique au « vert paradis » de l’enfance à la campagne qui peine à persuader d’aller y construire son nid ...

Et si ce bonheur de la jeunesse au village n’était qu’une construction de la mémoire ?

 

•  Cécile Coulon, Les grandes villes n'existent pas. “Raconter la vie”, Seuil, 100 pages.

 

Chroniqué par Kate


 

 

Tag(s) : #LITTERATURE FRANÇAISE, #VILLAGE, #RURALITE
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