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Baguettes chinoises” ? Il s'agit d'une expression populaire pour désigner les filles par opposition aux garçons qualifiés de “poutres”. Sous-entendu : ce sont les poutres qui soutiennent les toits des familles pas les fragiles baguettes. Marquée par cette opposition traditionnelle et éminemment sexiste, l'auteure a écrit ce roman en hommage aux filles des campagnes chinoises qui migrent vers les villes depuis les années 90 et y vivent souvent des vies difficiles tant le décalage entre ville et campagne restait fort en Chine. On peut raisonnablement parler même d'un fossé. Il est économique bien sûr, mais surtout culturel.

L'action se passe à Nanjing, dans la vieille ville (Nankin) et même au pied des murailles. Là des “mingong” — les migrants intérieurs en quête d'un travail— se retrouvent fréquemment pour obtenir d'utiles informations. L'histoire est celle de trois des six filles d'une famille sans fils, venues d'un village très pauvre de la province de l'Anhui. C'est ainsi que le lecteur va suivre Trois, Cinq et Six dans leur installation à Nanjing. La première de la famille à venir en ville fuyait un mariage arrangé avec le fils d'un responsable du village. Leur père est si déçu de n'avoir que des filles qu'il ne leur donne pour prénom que leur rang. Le fossé entre leur village et la métropole est considérable pour les trois sœurs, mais c'est surtout pour Cinq qu'il est cause de lourdes difficultés : elle est illettrée. Trois a un peu plus d'expérience urbaine car Deuxième Oncle l'a amenée en ville deux ans avant ses sœurs. Six a plus de facilités pour nouer des relations avec les citadins : elle a fait un minimum d'études. Mais toutes les trois sont admiratives, éblouies ou choquées, c'est selon les sujets.

Trois travaille dans un restaurant populaire, à “L'Imbécile heureux”. Six est employée dans une maison de thé tenue par un couple d'intellectuels qui en font aussi une librairie. Cinq a trouvé un emploi au “Palais du dragon d'eau” : un établissement de bain et de massage —des pieds notamment. Tout semble s'arranger au mieux dans le meilleur des mondes. Les patrons sont des gens charmants. Les habitants de Nanjing sont (presque) tous charmants aussi et les étrangers qui fréquentent « la maison de thé du papivore » sont eux aussi des gens formidables. Les policiers sont également d'aimables personnes charitables qui empêchent Deuxième Oncle de périr de froid devant une agence pour l'emploi. Tant de gentillesse est confondant ! On se demande pourquoi Xinran a quitté Nanjing où elle travaillait à la radio et animait une émission sur les femmes pour venir s'installer à Londres.

L'écriture, plutôt banale, est en accord avec une intrigue élémentaire. S'il faut trouver un intérêt dans ce roman, c'est par sa dimension documentaire sur la vie quotidienne chinoise au début de la politique d'ouverture et de modernisation — comme disent les autorités de l'Empire du milieu — et il fourmille de petits détails sur les fêtes, les usages et les convenances.

• Xinran. Baguettes chinoises. Traduit par Prune Cornet. Picquier, 2008, 340 pages.

Tag(s) : #LITTERATURE CHINE
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