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Il y a des 4ème-de-couverture qui cassent le charme de la découverte ! Celle du roman « Le Héron » de Giorgio Bassani (Gallimard, coll. Du monde entier) est de celles-là : elle impose une interprétation abusive du roman. Dans l'édition actuelle, dans la collection L'Imaginaire, le propos en est heureusement raccourci — encore que... Dans les deux cas on oublie de prendre en compte un contexte intéressant.

“Le Héron” appartient à ce genre d'histoires qui tiennent dans une journée. Mais pas n'importe quelle journée. Le roman concerne une journée de la vie d'un bourgeois de Ferrare dans l'immédiat après-guerre : à la fin de décembre 1947 quand l'Italie est encore sous le coup de la fin du conflit, de la chute du fascisme, et de la poussée communiste. Edgardo Limentani revient de loin : juif, il a échappé aux lois raciales de 1938 en se réfugiant en Suisse d'où il a rapporté ce coûteux symbole : une montre Vacheron. Les 400 hectares du domaine familial ont échappé à l'expropriation en devenant le bien de Nives, l'épouse catholique, et les communistes qui parlaient de donner la terre aux ouvriers agricoles sont en légère perte de vitesse sous le gouvernement De Gasperi.

Tout va bien ? Est-ce si sûr qu'Edgardo soit tiré d'affaire ? L'auteur, sans que ce soit jamais pesant, en évitant les lourdes considérations sur la vie et la mort, parvient à nous faire comprendre avec cette fable du héron blessé qu'Edgardo est en train de découvrir, qu'après les épreuves de la guerre et de fascisme, sa vie n'est plus trépidante ! Nives et Edgardo font chambre à part. De fait, il est constamment tenté de fuir, — la femme et la fille mais pas la mère— de faire demi-tour lors de cette journée de décembre consacrée à une partie de chasse à l'affût dans les marais (devant une auberge, devant le rendez-vous de chasse, devant une prostituée, devant la porte de la belle-soeur). Bref, un vrai coup de blues. Mais pas une “descente aux enfers” comme le suggère le 4ème de couverture de L'Imaginaire !

S'il était tellement aspiré par la contemplation de la mort et le projet suicidaire, Edgardo n'aurait évidemment pas été capable de conduire son Aprilia pour rentrer cher lui … Maintenant, qu'arrivera-t-il à la vingt-cinquième heure ? Bassani ne l'a pas dit : c'est une fin ouverte.

• Giorgio Bassani. Le Héron. Gallimard, 1971, 229 pages (L'airone, Mondadori, 1968).

 

 

Giorgio Bassani : Le Héron
Tag(s) : #LITTERATURE ITALIENNE
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