Le 11-Septembre et plus généralement le terrorisme contemporain ont inspiré une multitude d'essais d'actualités ou de géopolitique. Et aussi des romans. Celui de John Updike a l'intérêt de présenter assez peu de personnages dans une intrigue dont la chute est un peu différente de ce que le lecteur croit deviner. Le roman commence peu avant la fin de l'année scolaire et se termine en septembre.
Ahmad, un lycéen de mère irlandaise et de père arabe qui s'est sauvé en Egypte quand le môme eut trois ans, trouve un père de remplacement dans l'imam yéménite d'une mosquée sans fidèles au cœur d'une ville désindustrialisée du New Jersey. Au lycée, un public surtout afro-américain et peu motivé occupe les mornes journées du conseiller d'orientation Jack Levy, juif non-pratiquant, ouvertement athée. C'est un homme usé par le métier mais qui ne trouve pas normal qu'Ahmad, élève brillant, abandonne le projet d'études universitaires pour devenir chauffeur de camion. Il soupçonne le cheikh Raschid de chercher à recruter le jeune homme pour en faire un terroriste, et au minimum lui faire perdre ses chances de réussite sociale alors que sa mère, Terry, trime comme aide-soignante à l'hôpital faute d'avoir pu suivre des études d'art répondant à son goût pour la peinture abstraite. L'épouse de Jack est une bibliothécaire à mi-temps qui s'est laissée glisser vers l'obésité tandis que sa sœur au caractère plus trempé est devenue le secrétaire d'un ministre qui, à Washington D.C., pourchasse les terroristes.
Tandis que Jack entame une liaison avec Terry, Ahmad se tient le plus possible à l'écart des filles comme Joryleen pour ne pas pécher... car il est encouragé par l'enseignement religieux à se tenir à l'écart de Satan et des tentations du sexe. Il condamne jusqu'à la manière dont sa mère s'habille ! Plus généralement il crache sur toutes les valeurs de l'Amérique et sur l' american way of life. En conversant avec son mentor, sourates à l'appui, comme avec son conseiller d'orientation, il est clair qu'il a tout pour faire un djihadiste, mourir en martyr et faire d'innocentes victimes.
Ce jeune homme trop pur et fier d'être différent de la masse consumériste se jette dans le filet d'un réseau constitué localement par des marchands de meubles d'origine étrangère. Apparemment, Charlie Chehab a tout d'un bon patron et d'un bon fils qui a pris la succession d'une affaire fondée par son père et son oncle retiré en Floride. Tandis qu'il accompagne son jeune employé faire ses livraisons, Charlie scrute sa détermination à devenir un kamikaze islamiste qui ferait exploser son camion en plein New York pour fêter l'anniversaire du Onze-Septembre. Ce n'est qu'aux deux-tiers du livre que tout se précise et la fin du récit est fort bien menée, jusqu'à une chute assez imaginative qui rehausse fortement l'impression générale. Il est vrai que John Updike est un auteur expérimenté !
• John Updike. Terroriste. Traduit par Michèle Hechter. Seuil, 2008, 314 pages.