Après “La dernière ronde” qui célébrait le jeu d'échecs, Ilf-Eddine a conçu avec “Quelques mois d'une France lointaine” le roman de la coopération et de la francophonie, sur fond d'événements marquants des années 2001-2002 et dans le cadre d'un pays imaginaire d'Asie du Sud-Est. Le personnage-clé du roman est le conseiller de coopération culturelle, Dominique Tell, en poste à l'ambassade de Kherso-City. Il est entouré d'une multitude de personnages d'expatriés, extrêmement bien dépeints, et pour la plupart présentés au lecteur à l'occasion de la célébration de la Fête nationale par Renaud Majeur —devenu ambassadeur au lieu de ministre pour avoir soutenu Balladur en 1995...
Dans une intrigue qui gravite autour de la visite du président Chirac, soucieux à la fois de sa réélection et des Arts premiers, le clou du livre sera pour nombre de lecteurs la préparation d'une visite possible dans un village de la minorité chonka (inutile de mobiliser Internet) avec dans le rôle de l'homme providentiel l'ethnologue spécialiste de ce peuple et de ses sculptures qu'il n'est pas possible de déraciner !
« Je vous préviens, Majeur, si vous faites cela, j'écris un article dans Le Monde, je le titre “Le musée Branly complice d'un ethnocide”, et je vous cite vous et votre connard de président ! À quelques mois des élections, il va adorer ! Vous pouvez commencer à préparer vos valises pour le Vanuatu ! »
Comprendre que le Vanuatu est censé convenir plus aux vacances qu'à la carrière diplomatique... Les embûches de la coopération culturelle et le premier tour surprise de l'élection de 2002 s'associent habilement dans ce roman qui, fort judicieusement, n'est pas toujours politiquement correct. Il va sans dire que l'écriture magnifique d'Ilf-Eddine qui sait manier l'ironie avec la plus grande pertinence est un autre argument qui fera apprécier ce roman au moins autant que l'actualité de son sujet.
• Ilf-Eddine. Quelques mois d'une France lointaine. Globophile, juin 2014, 187 pages.