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Au cœur du roman, un réseau qui enquête sur les exactions de l’armée et les violations des droits de l’homme en terre indienne au Guatemala. L’écrivain anglais Lucien Leigh utilise un modus operandi digne de James Bond pour recueillir ses informations. Selon son épouse : « Avec cette méthode il a déjà rassemblé pas mal d’informations intéressantes. Mais il ne peut pas les transformer en articles de journaux parce que ce qu’il fait pour les obtenir n’est pas légal, et comme les histoires qu’il obtient de cette façon ne sont pas, en général, vérifiables ; il les utilise pour ses fictions. » En simplifiant, Lucien cache un micro-émetteur —qui ressemble fort à une prothèse auditive— et il partage les propos recueillis avec un réseau local dirigé par Óscar Dubon, comprenant outre sa maîtresse Emilia, Arturo et Xiuán un indien de langue ixil. Óscar se méfie d'Ernesto Solis, l’ancien militaire qui a quitté l’uniforme pour reprendre des études et... rencontré Emilia à l'université.

 

« L’armée est au plus bas après tant de scandales » dit-on dans sa famille. « Ils ont commis des crimes de guerre ». Le père de son ami Pedro est impliqué : des années auparavant, le colonel Morán avait été envoyé en mission contre la guérilla en territoire ixil. Cette région de l’altiplano a été le théâtre de massacres évoqués par Ricoberta Menchú dans son Autobiographie. Comme des amoureux, Emilia et Ernesto partent en excursion, traversent Chichicastenango, pour se rendre à Nebaj dans le département du Quiché ; comme par hasard ils tombent sur un couple de touristes anglais ; tandis que les dames font les boutiques où l’on vend les huipiles, Ernesto conduit Lucien jusqu’au village de Chajul, lieu du massacre. Et comme par hasard, Lucien trouve le moyen de placer un micro dans le camion de l’armée stationnée à côté du 4x4 d’Ernesto… Arturo et Oscar écoutent l’enregistrement. Le camion va vers la mer. On entend un ordre : « Déchargez ! » Des sacs de drogue à charger sur une barque… ? Et jeter le camion à la mer avec des corps enchaînés... ?

 

Le lecteur retrouvera Lucien à Livingston, un port de la côté caraïbe. À la recherche d’un orphelinat isolé une institution sujette à des rumeurs et « administrée par une maquerelle hondurienne repentie ». Lucien y sera éliminé par un homme de main. Partie à sa recherche, Emilia identifiera le corps du noyé avant d'être à son tour victime de l'homme qui l'a invitée sur son yacht. Derrière tous ces crimes il y a Pedro Morán évidemment. L'armée est en effet tombée au plus bas. Par les personnages, par l'intrigue, par la violence, “Le silence des eaux” de Rodrigo Rey Rosa ne peut qu'évoquer certains romans d'Horacio Castellanos Moya, l'auteur salvadorien né au Honduras... Deux auteurs de la même génération, également marqués par les soubresauts politiques de l'Amérique centrale.

 

 

Rodrigo REY ROSA. Le silence des eaux. Traduit par André Gabastou. Gallimard, 2000, 140 pages.

 

 
 Rodrigo Rey Rosa : Le silence des eaux
Tag(s) : #AMERIQUE LATINE, #GUATEMALA
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