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Pas de Japonais dans ce roman ! Le titre s'expliquera tout seul en fin de lecture. Carlos Bernatek nous emmène dans une station balnéaire populaire proche de Buenos Aires sur la baie de Samborombón. Son narrateur a vainement attendu Alma pour le réveillon de la Saint Sylvestre ; elle s'est brutalement décommandée. Alors, un roman d'amour mélancolique ? Non, en fait la rupture n'est pas si douloureuse, et Garnier rencontre bientôt une certaine Livia ; elle lui rappelle Alida Valli, l'héroïne de “Senseo” de Visconti. Mais ce serait une erreur de s'imaginer que le roman met en scène un passionné de culture italienne.

L'intrigue oscille entre deux époques séparées d'une vingtaine d'années. Au temps de l'adolescence son copain Marco Oldman lui avait prêté “Les Protocoles des Sages de Sion” ; c'est le fils d'un immigré britannique marié à une polonaise. Au cours d'une promenade à vélo, les deux garçons furent témoins du crash d'un petit avion plein de mystère. Le narrateur se souvient aussi de l'affaire Eichmann, le criminel nazi extradé vers Israël, condamné à mort et pendu en 1962 ; en même temps se produisirent la disparition et l'assassinat d'une jeune juive polonaise qu'il croisait au cours d'anglais. Faut-il imaginer un lien entre les deux affaires ; serait-elle morte par la vengeance de nazis réfugiés en Argentine pour échapper à la justice, et pour y vivre une autre vie, sous un autre nom ? Eichmann vivait caché sous le nom de l'ouvrier Klement. Exactement comme le narrateur qui vit sous une fausse identité, Marcos Garnier, ne conservant de sa vie d'avant que l'Alfa Romeo des parents décédés — disparus ?

Vivre avec le patronyme d'un autre, disparaître et reparaître, tel est le cœur de l'intrigue, accompagné d'une kyrielle d'interrogations sur l'identité réelle de plusieurs autres personnages. N'ont-ils pas aussi deux vies, successives ou simultanées ? Venosa le voisin plombier n'est-il qu'un crétin que son épouse Livia trompe sans se cacher ? Maier, le Manchot, est-il le chef de la Corporation et sinon qui ? Pourquoi le père de Marco cachait-il le portrait d'Hitler et un drapeau nazi dans son bureau ? Qu'avait-il fait de la mallette cachée dans la cave par son fils ? Comment se fait-il que Marco ait longtemps disparu et pourquoi avait-il appris à piloter un avion ? On saura quand et comment le narrateur a changé d'identité mais d'autres questions pourraient bien rester sans réponse. De même, l'identité argentine est compliquée et hésitante.

Le présent du récit c'est l'Argentine d'après la guerre des Malouines et d'après la dictature qui avait célébré le Mondial de 1978 tout en multipliant les disparitions de ses adversaires politiques. L'ouvrier Pereda en fut la victime et lui aussi s'est échappé de sa vie d'avant —et de la prison— en se cachant dans les îles du rio Parana, disparaissant de la vie de sa famille comme le narrateur a disparu de la sienne. Mais il retrouvera Marco, c'est fatal.

“Banzai” est le premier roman de cet auteur. Un nom à retenir.

 

• Carlos Bernatek. Banzaï. Traduit par Delphine Valentin. Éditions De l'Olivier, 2014, 201 pages.

 

Tag(s) : #AMERIQUE LATINE, #ARGENTINE
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