Les écrivains argentins ne sont pas tous natifs de Buenos Aires. Mempo Giardinelli est né à Resistencia en 1947, dans le Chaco, tout au nord. Ce récit de voyage l'emmène à l'autre bout du pays, à bord d'une Ford rouge, en compagnie d'un ami universitaire. Il espère que le périple automobile, la découverte de la Patagonie et le hasard des rencontres l'aideront à avancer un chantier romanesque.
Sur des milliers de kilomètres de mauvaises routes et de pistes caillouteuses, les provinces désertiques défilent : Rio Negro, Chubut, Santa Cruz. Littérature de voyage en effet, vers des glaciers andins, vers des étendues arides et ventées où s'enfuient nandous et guanacos. Mais pas seulement : les rencontres au bord de l'Atlantique et dans les auberges ou stations service finissent par convaincre que le pays n'est “peuplé” que de rescapés d'aventures navrantes ou un peu folles, y compris du côté de Bariloche. L'auteur n'en finit pas de s'en prendre aux autorités du pays, à la corruption accentuée par la crise, aux séquelles de la dictature et à la “paresse” de ses compatriotes, alors qu'en Patagonie abondent les ressources naturelles comme le vent et l'eau — mais que manquent les éoliennes et les pompes. Le tourisme n'éveille que quelques localités isolées proches du lac Argentino et du glacier Perito Moreno, et des rivages de la péninsule de Viedma où abondent les baleines et les morses. Mempo Giardinelli redoute néanmoins que ce bout du monde ne soit gâché par l'implantation de l'hôtellerie internationale et que les gringos ne débarquent en masse.
Dans le même registre, l'écrivain en quête d'inspiration pour terminer son roman détesterait voir ses héros finir comme des « crétins de Hollywood ». Clelia et Victorio poursuivis dans la fiction par une police assassine ne se jetteront pas ensemble dans l'océan près du détroit de Magellan. Une autre fin est possible : il choisit de la localiser dans leur Chaco natal, au retour d'une décennie d'exil. Lui-même exilé pendant la dictature, l'auteur se souvient des amis écrivains que le Mexique lui offrit alors, Juan Rulfo en particulier, dont on appréciera le portrait intime et l'image du résistant littéraire. À lire si on aime l'Argentine et les écrivains-voyageurs.
• Mempo Giardinelli. Fin de roman en Patagonie. Traduit par Bertille Hausberg. Métailié, 2003, 231 pages. — Site de l'auteur : cliquer ici.