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Le roman du roumain Răzvan Rădulescu est prometteur jusque vers la page 50. On découvre en s'amusant Ilie Cazane père puis Ilie Cazane fils. Ça se passe dans un village et dans la capitale. Le père, joyeux pique-assiette a épousé Georgette, une fille de la campagne, et de façon tout à fait surprenante vu ce qu'on sait de lui, il s'est miraculeusement transformé en actif fermier tout en considérant que des tâches domestiques comme la vaisselle aux aurores font partie de ses attributions. Bref, sa belle-mère est épatée. Mais surtout il fait pousser des tomates d'une taille extravagante. Apparemment sans artifice : ni engrais spécial, ni graines particulières. « Si Ilie Cazane faisait, d'une graine de tomate, un légume d'une telle beauté, qu'en serait-il de son fils ? » — Rien de tout ça en fait... malgré sa grosse tête et sa passion enfantine pour d'assez obscurs bricolages et son imitation d'un violoneux tzigane. Mais l'auteur n'a pas su réellement tenir son défi en passant de l'histoire du père à celle du fils. C'est comme si le livre avait été publié avant d'être abouti. Răzvan Rădulescu s'est contenté de reprendre l'affaire à partir de l'arrestation de Cazane père par la Securitate et s'est laissé entraîner à raconter la vie médiocre d'un colonel de ce service... et bientôt placardisé.

 

Comme on est en dictature communiste, avec Nicolae Ceaucescu en n°2 de Gheorgiu-Dej dans la Roumanie de 1962, la Securitate a voulu en savoir plus sur ces tomates exceptionnelles ! N'y aurait-il pas un secret derrière la tomate merveilleuse ? On pourrait penser aux mystifications pseudo-scientifiques de Lyssenko. Rien de tel en fait. On n'en saura pas plus que le très matérialiste colonel Chiriţă qui s'imagine pouvoir faire avouer le pauvre Ilie Cazane qu'il a fait arrêter, tabasser et gardé en taule durant des mois. C'est-à-dire rien. Et rien n'y fera — même le divorce de Georgette “à l'insu de son plein gré”... Car Cazane n'a rien à avouer. Libéré faute de preuve, le benêt démiurge des tomates se fait écraser par un camion. Scénario typique d'élimination décidée par les “organes“. On saisit bien que l'auteur veut ridiculiser la Securitate mais vite la faiblesse de construction de l'intrigue se retourne contre l'auteur.

 

Ainsi lui faut-il 150 pages pour nous raconter l'histoire du colonel, ses coucheries et son divorce, plutôt que « La vie et les agissements d'Ilie Cazane » ! Quitte à revenir en même temps sur ce qu'on savait déjà dès le début... Les derniers chapitres accentuent encore l'impression de confusion. Dès années après l'affaire de la tomate géante, Tamara, la fille du colonel, rencontre Ilie Cazane junior et l'amène jusqu'à son lit en ville — et lui à celui de son enfance à la campagne. Ils ont vingt ans, quoi. Mais leur histoire est assez improbable et mal ficelée. Pour terminer on ratatouille sur Cazane junior encore tout gamin qui va, du haut de ses quatre ans, acheter les clopes du grand-père et en fumer une pour épater le boutiquier. Autant j'apprécie que la littérature soit enrichie par quelques recherches formelles, autant je reste pantois qu'un éditeur ait pu publier pareil brouillon. Une lecture déconseillée par conséquent.

 

• Răzvan Rădulescu. La Vie et les Agissements d'Ilie Cazane. Traduit par Philippe Loubière. Zulma, 2013, 263 pages.

 

 

Tag(s) : #LITTERATURE ROUMANIE
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