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À première vue, la question générale que ce roman aborde est la réinsertion du prisonnier qui vient d'être libéré après treize ans de détention, suite à une “expropriation révolutionnaire”. Va-t-il replonger dans sa vie criminelle quand certains viendront le relancer ? Va-t-il choisir une vie exemplaire ? Si l'on se fonde sur les remarques faites à son jeune neveu Nestor, on doit souligner que l'ex-taulard choisit de lui apprendre les bonnes manières, mais c'est un indice plutôt faible.

Or, Juan Marsé ne raconte probablement pas une histoire universelle. Son héros, Jan Julivert Mon, sort de la sinistre prison de Carabanchel. Nous sommes en 1959. Sa libération conditionnelle s'est produite dans une Espagne encore très franquiste, figurée par la peinture murale du Caudillo que compisse Nestor, tout prêt à attendre de son oncle libéré quelque action d'éclat. Le juge Klein, un colonel qui a envoyé à la mort de nombreux résistants anti-franquistes, vit dans une villa isolée : son épouse décide de recruter un veilleur de nuit susceptible de faire aussi chauffeur et garde du corps. Jan Julivert se présente, recommandé par une tante religieuse. Vient-il simplement pour gagner sa vie ? Vient-il pour préparer une revanche, lui qui a dirigé jusqu'en 1947 un réseau anarchiste ? Vient-il par curiosité de revoir Klein et son épouse Virginia qu'il a croisés jadis au début de la guerre civile ?

En écrivain de Barcelone, l'auteur consacre une place considérable à la vie quotidienne du quartier populaire où vit Jan Julivert. Après son arrestation et l'exil de son frère, sa belle-soeur Balbina s'est installée chez leur mère et l'a soignée durant sa longue maladie. Brune aguichante, Balbina est désormais une prostituée du Barrio Chino. Son jeune fils Nestor rêve de devenir boxeur comme son oncle à la veille de la guerre civile, il aide le patron du bar Trola —le trolley— en face de chez lui. Nestor. On y rencontre Polo, le vieux flic qui arrêta Jan Julivert, plongé dans des discussions avec un peintre d'affiches de cinéma qui héberge Paquita sa petite-fille handicapée. Nestor et Paquita imaginent des lettres de menace pour faire trembler le vieil inspecteur.

Il règne ainsi dans ce roman une atmosphère de polar. Le colonel Klein, qui s'est mal relevé d'un tragique accident de voiture, fréquente de nombreux bars louches où on lui sert trop de cognacs ; à l'heure de la fermeture, il faut venir le récupérer. Il est souvent plumé par des amis de rencontre. Un réseau envisage de l'enlever ou de l'éliminer... Retraité de la police, l'inspecteur Polo reprend la fiche de son client : « Il a même eu l'audace, ce malfrat, de poser une bombe dans un consulat et d'accrocher un drapeau séparatiste sur le Tibidabo, pour faire plaisir à tous les connards qui croyaient encore à ce genre de trucs... Il a été l'un des premiers à instaurer l'impôt révolutionnaire sous la menace ».

Anarchistes flirtant avec le crime organisé, prostitution, projet de fusillade... “Un jour je reviendrai” nous renvoie non seulement à la dureté du franquisme des années cinquante mais aussi à l'atmosphère des films policiers de l'époque et vous aurez pensé à Humphrey Bogart en lisant ce passage  : « L'inconnu parut soudain dans la lumière pâle du réverbère, comme s'il surgissait de l'asphalte ou d'une crevasse dans la nuit. Il portait un trench-coat kaki dont les revers étaient relevés, avec beaucoup de boutons et des boucles compliquées, et il avait la main droite dans sa poche. Dans l'ombre du bord de son chapeau, ses yeux émettaient un éclat acéré. Nous avions une impression de déjà-vu, l'impression d'avoir déjà vu cette apparition en rêve ou peut-être sur l'écran du Roxy... » Cela se sent : Marsé adore faire des clins-d'œil au cinéma noir des années 40 ou 50.

Publié en 1982, au temps de la “movida” qui voulait davantage oublier les crimes de toute une époque que de ressortir les crimes des acteurs de la tragédie passée, “Un jour je reviendrai” renonce aux discours politisés. Aujourd'hui certains lecteurs en seront amèrement déçus.

 

• Juan MARSÉ : “Un jour je reviendrai” – Traduit par J.M. Saint-Lu. Editions Christian Bourgois, 1997, 476 pages (Points). - Titre original “Un dia volveré”.

 

 

Tag(s) : #LITTERATURE ESPAGNOLE
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