Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

 

 

Après l'éblouissant "Mal de pierres", Milena Agus nous donne ici un roman marqué par l'imaginaire et la fantaisie, à travers le regard d'une narratrice de quatorze ans qui adore son grand-père — il a installé toute sa famille sur la côte sud de la Sardaigne — et fait de Madame un personnage central. « Notre position est de 39°9' au nord de l'équateur et 9°34' à l'est du méridien de Greenwich. Ici, le ciel est transparent, la mer couleur saphir et lapis-lazuli…» Un incipit si rare incite à ouvrir Google Earth pour découvrir les images des lieux. La côte est une bénédiction touristique, en plus populaire que la Costa Smeralda.

 

Pour pouvoir bétonner tout à loisirs les promoteurs sont prêts à donner une fortune à quelques propriétaires qui résident là accrochés à leurs parcelles. Or, ces "indigènes" ne veulent pas vendre ! Ce sont des "résistants" à l'image de Madame, de la famille des voisins, et de celle de la narratrice qui nous rappelle à la fois Zazie et Candide.

         Vers-Serpentara.jpg

• Madame, un peu magicienne, est une personnalité décalée aux activités multiples. Elle taille et coud des vêtements extravagants pour ses voisins, gère un gite rural pour huit personnes, s'adonne à des scènes osées, ou tombe amoureuse d'un médecin de Cagliari qui vit avec Ariel le chat. Et surtout : Madame refuse de vendre son terrain aux promoteurs, ce qui cause une célébrité relayée par les guides touristiques. Son excentricité condamnée par les uns est au contraire approuvée par la narratrice — admirative — et son grand-père — ironique — qui déteste en revanche l'aïeule des voisins ; il n'en voudrait même pas « comme voisine de caveau.» La narratrice, dont la tante est spécialiste de Leibniz, voit dans « son cerveau plus petit qu'un petit pois » une preuve de l'existence de Dieu : « Comment pourrait-elle en effet, alors qu'elle manque autant de cervelle, marcher, parler, exprimer des pensées et éprouver des sentiments si l'âme n'existe pas ?» Comme sa tante, la narratrice cite aussi Hegel ou Walter Benjamin pour faire la grande personne.

• Pourquoi "Battement d'ailes" ? La narratrice faisait des cauchemars depuis la disparition de son père. Sur les conseils du grand-père, elle tient un journal. Elle a ainsi moins peur que le monde ne s'écroule. Les cauchemars cèdent la place à des séquences oniriques avec un revenant battant des ailes comme un fantôme. Elle se confesse à nous : « je ne raconte jamais les choses comme elles sont vraiment, mais comme j'espère qu'elles se passent.» On aurait tort de reprocher à ce livre son caractère papillonnant : la narratrice est sortie de sa chrysalide. Au terme de l'histoire, la narratrice deviendra grande et riche.

• Milena AGUS - Battement d'ailes. Traduit de l'italien par Dominique Vittoz. Liana Levi, 2008 (Livre de Poche, 2010, 142 pages).

 

Tag(s) : #LITTERATURE ITALIENNE
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :