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BraeckmanIl faut se précipiter dans l'essai de Colette Braeckman, incontournable spécialiste de l'Afrique au journal “Le Soir”, qui semble connaître à peu près tout le monde au Congo, et pas mal de gens dans les pays environnants, notamment au Rwanda. On y rencontrera Lumumba, Tschombé, Mobutu, Laurent-Désiré Kabila et son fils Joseph… Les Congolais sont les héros de ce livre. Mais pas seulement des Congolais : on rencontrera aussi Musuveni, Mugabé, et Kagamé.

 

Une histoire du Congo postcolonial

 

En 1960, le Congo fut précipité dans l'Indépendance comme dans un piège. Puis vint Mobutu : tant que dura la guerre froide, on ferma les yeux sur ses fantaisies politiques et financières. Puis, sa dictature ne fut plus jugée acceptable par les Puissances. Sa chute fut programmée, sous couvert d'exiger des réformes "démocratiques" dès 1990. Le Zaïre sombra dans la guerre et une misère accrue. En 1994, le choc en retour du génocide rwandais porta au pouvoir à Kigali le leader tutsi du FPR, Paul Kagamé, avec l'ambition de poursuivre à l'intérieur du Congo les Hutus génocidaires en fuite, et conquérir un espace vital préparé par la présence des Banyamulenges déjà établis au Congo. Kagamé soutint au passage l'insurrection de Laurent-Désiré Kabila, héritier du message d'unité congolaise du défunt Patrice Lumumba. Aidé par les Rwandais, Kabila s'empara de Kinshasa abandonné par Mobutu peu avant sa mort. Il voulut tourner la page et le Zaïre redevint le Congo (RDC). Mais bientôt ses intentions affichées de mettre de l'ordre dans un pays exsangue, déplurent à tous ceux qui jouaient la carte de l'éclatement du pays, pour mieux le piller. Laurent-Désiré Kabila sera donc assassiné mais ses ministres trouveront sage de confier à son fils Joseph un pouvoir fragile et provisoire. La guerre civile fit rage de nouveau. Contre toute attente, le jeune Kabila fut sauvé par des troupes du Zimbabwé et d'Angola, qui s'opposaient à l'ingérence du Rwanda et de l'Ouganda. Tous durent se retirer après des accords conclus en 2002 à Sun City, accords dont Thabo Mbeki chercha à s'attribuer le mérite au nom de la nouvelle Afrique du Sud. « Il est probable, conclut Colette Braeckman, que l'interminable transition ouverte par Mobutu en 1990 finira par déboucher sur un véritable choix démocratique.» — Trois ou quatre millions de morts plus tard...

 

La ronde des prédateurs

 

Cet essai si bien documenté brosse des portraits toujours intéressants, l'auteure avouant ici quelque penchant pour Laurent-Désiré Kabila, soulignant là les bonnes intentions initiales de Robert Mugabe torpillé ensuite par le "consensus de Washington", se prenant aussi à douter des grands airs vertueux de Paul Kagamé, découvrant enfin l'ignorance des leaders de l'ANC au regard des affaires congolaises, et se gaussant toujours des troupes onusiennes et des diplomates, à l'exception du belge Louis Michel et du français Jean-David Levitte : « c'est sous son impulsion que le secrétaire général commandita les trois rapports consacrés au pillage des ressources naturelles…» La journaliste dénonce avec brio la suite pendable de trafics dont les ressources du Congo firent les frais : les diamants, le bois, ou le coltan. Justement, le coltan, voilà un minerai évacué par avion vers le Rwanda en un mois de 1998. À un autre moment, ce sont les banques de Kisangani ou les stocks de café Robusta qui sont pillés par des troupes rebelles tandis que d'autres font des trafics de faux dollars. On espère que, le renouvellement des dirigeants aidant, le bassin du Congo et la région des Grands Lacs se porteront mieux au cours du XXIe siècle...

 

• Colette BRAECKMAN : Les nouveaux prédateurs. Politique des puissances en Afrique centrale.  Éditions Aden, 2e éd. 2009, Bruxelles, 394 pages.

 

Tag(s) : #HISTOIRE 1900 - 2000, #CONGO
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