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28ème édition du Festival des Trois Continents.

Asie (beaucoup !) - Amérique latine - Afrique (pas beaucoup !) Dans l'abondance -plus d'une centaine de films programmés- choisir est heureusement difficile ! D'abord il y a la compétition officielle*. Ensuite il faut piocher parmi les différents thèmes proposés cette année : rétrospective S. Ray, focus sur des cinémas asiatiques, etc. C'est la mondialisation réussie.

 

 
C'est le film iranien « Quelques kilos de dattes pour un enterrement »
qui a remporté la Montgolfière d'or de la 28e édition des Trois Continents.


© Ouest-France

• Quelques kilos de dattes pour un enterrement *

Le titre du film s'explique à la fin. Cette œuvre de Salam Salour (2006 - 85 min) utilise le noir et blanc avec talent pour rendre compte d'une histoire dramatique et presque fruste. Celle-ci se déroule en grande partie dans un bus hors d'usage qui sert de bureau à une station-service perdue en montagne. L'action réunit un petit nombre de personnages : un pompiste bougon et haltérophile, un employé amoureux, un extraordinaire facteur et enfin un croque-mort. Avec beaucoup de neige pour recouvrir une voiture accidentée que le pompiste va examiner de temps en temps…


• Fireworks wednesday *

Téhéran, la veille du Nouvel An. La passion des jeunes pour les explosions de pétards au moment de la fête "Charshanbeh-suri" va rythmer le film d'Asghar Farhadi (2006 - 104 min). Le sujet est la crise permanente d'un couple, qui doit partir en vacance à Dubai, en suivant le point de vue de la bonne recrutée ce jour-là, Ruhi. La jeune fille doit se marier dans quelques jours et son fiancé la conduit en moto à l'agence au début de la journée ; il l'attend le soir. Tout se déroule donc à l'intérieur de cette journée d'une manière assez trépidante qui est une force du film. Mojdeh : une femme très jalouse et irritable; Morteza, un mari qui dépasse les 35 heures; Simin, en femme fatale, à la fois voisine, maîtresse et coiffeuse : le ménage à trois n'est pas un sujet nouveau, et n'a rien de spécifiquement iranien.
Mais le style du réalisateur et les détails du scénario créent un intérêt fort pour ces personnages. Le tchador de Rihi joue un rôle dans le film, du début à la fin, contribuant à faire la différence : dès le premier plan il cause la chute du couple, plus tard Mojdeh s'en emparera pour aller espionner son mari; à la fin Ruhi ne l'aura pas encore récupéré et son fiancé n'en sera pas spécialement fâché.

• Au travers des Oliviers

 
 
 
 
 
 
 
 
Koker, 350 kilomètres au nord de Téhéran, a été entièrement détruit par un séisme. Au milieu des oliveraies, un réalisateur entreprend de filmer une histoire de jeunes mariés car la vie reprend après les enterrements. Film sur le film en train de se faire, "Au travers des oliviers" dit utiliser comme acteurs des enfants du pays, des survivants donc. Entre leur drame et leur film les acteurs sont partagés. D'où la multiplication des prises, trop vite coupées, bref un tournage pas facile, source d'un comique de répétition au milieu d'une histoire tendre et grave.
Le film d'Abbas Kiarostami (1994 - 103 min) se conclut dans l'incertitude : Hossein finira-t-il par obtenir l'écoute de l'inaccessible Tahereh, lorsqu'il la raccompagne à la fin d'une journée de tournage au milieu des oliviers ?

• Falafel *

Le film de Michel Kammoun (2006 - 83 min) se déroule entièrement à Beyrouth. Toufic participa à une fête d'étudiants, au milieu de ses amis noctambules, et toutes les filles sont ravissantes. Le climat de guerre et de tensions appartient à un passé encore proche. Mais un banal incident de carrosserie rayée amène Toufic à abandonner cette fête et à partir à la recherche d'une arme et d'un homme à tuer. Une longue liste d'épisodes mineurs, généralement comiques, l'amènera à oublier son objectif. Autrement dit le Liban peut vivre en paix —ce que l'actualité dément malheureusement.

Le scénario de "Falafel" est quand même assez mince. Avec de la poésie (la légende du falafel, l'étoile dans la nuit), mais aussi de la lourdeur quand il pleut des falafels comme une manne qui tombe du ciel pour les hommes de Moïse! Le film n'avait-il pas pourtant eu une réception favorable dans la presse en 2006 ? – Parce qu'on aime bien les Libanais et qu'on voudrait tant qu'ils retrouvent la paix. Film primé au festival de Namur en octobre 2006.
 

• La Maison et le Monde

Le Festival des Trois Continents, édition 2006, a montré l'intégrale de Satyajit Ray… Je n'ai pas donné la priorité à ces films. Je connaissais déjà l'étonnant "Salon de musique". Je ne parlerai donc que de ce film (1984 - 140 min) tiré d'un roman publié en 1915, œuvre de Rabindranath Tagore, prix Nobel de Littérature d'avant l'Indépendance. La version originale du film est en bengali. En bref, il s'agit d'un triangle amoureux pimenté des préoccupations politiques de l'Empire des Indes il y a cent ans.

En 1905, afin d'appliquer à la politique coloniale l'adage " diviser pour régner ", le Gouverneur Général des Indes, Lord Curzon, jouant sur les antagonismes religieux, scinde le Bengale en deux. Une partie de l'intelligentsia bourgeoise s'oppose à cette politique et préconise un rejet des produits importés, principalement anglais —l'antimondialisation déjà!—. L'un de ses membres, le bellâtre Sandip Mukherji, est devenu un important " leader" du Swadeshi. Il arrive à Suksayar, la propriété de son ami Nikhil Choudhury, où il s'installe — dans le style du coucou.

Érudit, homme moderne et libéral, idéaliste aussi, Nikhil (Victor Banerjee) profite de l'occasion pour aider son épouse, Bimala, à sortir de sa timide réserve et à s'insérer dans la bonne société. D'abord réticente, Bimala (Swatilekha Chatterjee) accepte de rencontrer Sandip (photo), qui exerce sur elle une véritable fascination. Tout en étant hostile aux décisions du colonisateur, Nikhil n'adhère pas à l'attitude de Sandip (Soumitra Chatterjee). Pour lui, le boycott ne peut que nuire aux pauvres parce que les marchandises étrangères sont de meilleure qualité que les produits indiens (s'ils existent) et parce que le commerce est source d'emplois pour les bengalis musulmans. Pour Nikhil, la situation devient difficile; l'agitation se développe jusque sur ses terres et il sent que sa femme s'écarte de lui. Il ne peut cependant agir au risque de la voir se retourner contre lui. Pourtant, Bimala, qui est prête à donner or et bijoux à la cause nationaliste-protectionniste, finit par se rendre compte que Sandip est un homme avide de pouvoir, un sinistre agitateur, et non un véritable patriote.

Quand Bimala revient sur terre c'est-à-dire vers son mari, le climat extérieur s'est, en revanche, détérioré de façon irréversible. Une nuit l'émeute éclate. Les musulmans pillent un temple hindouiste. Sandip, débordé, s'échappe. Nikhil part à cheval pour tenter de calmer les paysans fanatiques ; il y laisse la vie. Le dernier plan montre Bimala habillée en veuve. C'est un film très distingué, presque british, où l'on ne crie pas comme dans les films coréens et chinois, un film indien mais loin des pitreries musicales de Bollywood. Revers de la médaille : le dialogue est envahissant et l'on ne sort quasiment pas du palais. Enfin, si on ne craint pas trop l'anachronisme, la question du développement de l'Inde est posée : protectionnisme ou ouverture : la maison ou le monde.


• Rain Dogs *

Aucun rapport avec un album de rock de Tom Waits si ce n'est que celui-ci comporte le titre "Singapore"... Ce film, le 3ème long-métrage de Ho Yuhang (Malaisie - 2005 - 96 min) raconte surtout un passage. Tung est un garçon assez naïf qui va devoir grandir avant d'aller affronter l'université. Naïf et maladroit, il se fait déplumer dans un hôtel de passe et perd les 1000 ringgits que son frère aîné lui a confiés à l'intention de leur mère qui vit dans un village loin de Kuala Lumpur. Plus grave pour lui qui est orphelin et n'a jamais connu son père (c'est l'oncle qui lui a donné son nom): le frère aîné est tué dans une rixe dans une salle de billard. Peu d'explications sur ce drame, sinon deux truands que l'on montre à Tung. Après les obsèques en ville, de retour au village maternel, il s'y fait voler sa moto et supporte mal que sa mère vive avec un autre homme.

Les criminels présentés à Tung

Le titre arrive au milieu du film. La seconde partie nous fait suivre Tung chez son oncle marié qui a un jeune enfant et vit de son métier de pêcheur. Nous sommes donc dans un port de pêche, mais difficile de dire où exactement. Ces Chinois de Malaisie ne connaissent pas forcément la langue malaise : c'est ce qui se dit au téléphone entre la tante et sa "Troisième Soeur", la mère de Tung, lorsqu'elle reçoit un courrier de l'Université. Tung rencontre deux soeurs. Il n'aide pas son neveu à apprendre les idéogrammes : il préfère flirter avec Cui, tandis que Hui tente de faire travailler le petit neveu. Tung se fâche avec le petit ami de Hui. On lui voit un revolver à la main et on craint un autre assassinat. Avant d'entrer à l'Université, Tung repasse voir sa mère. Celle-ci vit seule désormais.
Des images bien cadrées, avec assez souvent une dominante sépia. Peu de musique (un refrain de jazz au milieu et à la fin). Un film sensible et dramatique mais dans lequel on se trouve bien passé un premier quart d'heure un peu paumant.
— Trailer disponible sur <http://www.focusfirstcuts.com/>

• Opera Jawa *

Comment parler de ce choc visuel ? Le film de Garin Nugroho (Indonésie, 2006 - 120 min.) est une splendeur : j'ai le sentiment de n'avoir jamais vu une si belle réussite esthétique. Cela tient en partie à la tonalité souvent bistre ou sépia de l'image, en harmonie avec la couleur de peau des acteurs. L'histoire ? Un opéra tiré d'un conte du Ramayana, l'enlèvement de Sita.
En simplifiant, Sita (incarnée par la belle Artika Sari Devi) et son époux Setyo forment un couple de potiers villageois et ils jouent les héros du conte : Siti et Rama, tandis que Ludiro –le boucher– convoite Siti. “ Une histoire qui va du prophète Adam à Adam Smith…” chante un narrateur au début.

 
Sita avec le potier
 
Le boucher Ludiro
 



La représentation et la réalité du village se mélangent habilement. La fiction devient la réalité. Une multitude de scènes marquantes, avec des potiers, un chanteur obèse à chapeau de cow boy Marlborough, des danses traditionnelles ou modernes, un très long tapis rouge, une extraordinaire cérémonie sacrificielle finale quand Setyo tue Sita et lui arrache le coeur. Une splendeur donc.
 

La mort de Sita
 

• Criquets (Koorogi) *

Un homme, une femme. Le film de Shinji Aoyama (2006 - 102 min.) peut surprendre et prêtera à la critique : il est beau mais difficile. L'action se passe à Izu, au sud du pays. Kaoru, une belle femme d'environ 40 ans, attirante et raffinée, vit à l'écart de la mégalopole japonaise, elle prend soin d'un homme plus âgé, aveugle et muet. Cela donne une chronique du quotidien presque ennuyeuse malgré le soin porté à l'image. Et puis le film bascule dans une direction totalement inattendue qui ne peut que désorienter le spectateur.

 

Suzuki Kyokâ dans le rôle de Kaoru



De temps à autre, Kaoru laisse son protégé s'éloigner de la maison, vers le port, tandis qu'elle fréquente un bar à la mode où elle fait connaissance d'un jeune couple, Taichi et Eiko. Ceux-ci l'emmènent se promener à l'extérieur du port et lui font connaître une grotte qui servit de refuge à des chrétiens convertis par les missionnaires au XVIème siècle. La population s'est révoltée contre eux, les tuant et incendiant leurs bateaux. L'année suivante, un tsunami fit périr la plupart des villageois. Les survivants aménagèrent cette grotte et furent désormais protégés. Mais revenons au présent : bientôt le vieil homme meurt et Kaoru se retrouve seule et triste. Ses jeunes amis tentent de la réconforter en lui disant que le vieil homme reviendra et ils organisent chez elle une fête, pour sa "libération". Une geisha vient jouer et chanter pour eux une chanson sur l'amour et le couple.

Le lendemain, tous se rendent au port. Scène d'archéologie sous-marine : une figure de proue est  remontée à la surface. Celle qui servit de modèle à la sculpture vue dans la grotte. Après cela Kaoru est renversée par une camionnette et hospitalisée. Quand elle revient à Izu l'année suivante, à peine est-elle descendue du taxi qu'arrive un homme : c'est l'aveugle et muet qui a ressuscité. Ils vont vivre ensemble désormais.

Aoyama réalise ainsi une sorte de métissage religieux entre l'éternel retour bouddhiste et la résurrection chrétienne. Dans la grotte on a entendu une prière à la Vierge. On sait que le précédent film d'Aoyama s'appelle "Eli, Eli, Lema, Sabachthani". Le réalisateur semble donc s'intéresser à la culture juive et chrétienne. Par ailleurs, les rapports de l'homme avec les éléments naturels (l'arbre, la mer, le soleil, la lune) relèvent bien plutôt du shintoisme.
Sur le plan cinématographique, il veut sans doute aussi rendre hommage à Federico Fellini : lors de la fête organisée pour Kaoru, apparaît un clown bouclé et bariolé et une musique bien latine l'accompagne. Nous sommes à l'ère du multiculturalisme. Mais à la fin de la séance, du moins ce jour-là, personne n'a applaudi. Dommage !


• Histoire d'avril

Le gentil film de Shunji Iwai (1998 - 67 min) est parfaitement tous publics. C'est l'hiver, il neige à Hokkaido sur un quai de gare. Une belle jeune fille prend le train pour Tokyo où elle doit poursuivre ses études. Lors de la présentation avec les autres étudiants de son groupe, elle ne peut pas expliquer les raisons de son choix. Elle emménage, rencontre une voisine, visite à vélo quelques jolis quartiers de la capitale, va au cinéma, et surtout fréquente régulièrement une certaine librairie. Si on ne s'est pas endormi avant, on découvrira finalement les raisons qui l'ont amenée à quitter l'île du Nord.


• La femme de tous

Ni noir et blanc ni couleurs : d'une scène à l'autre Rogério Sganzerla change la couleur du film : bleu, rose, orange, etc... C'est une histoire bouffonne et parodique avec un patron obèse qui a le monopole des bandes dessinées brésiliennes, boit du coca-cola et se prend pour un général SS à monocle. Sa femme (jouée par Elena Ignez) est une fausse blonde allumeuse qui passe son temps à chercher un partenaire pour aller à la plage de l'île des plaisirs et fume des havanes. Le film qui date de 1969 est accompagné de rock et pop d'époque plus que de musique brésilienne. Les dialogues sont souvent hilarants, jusqu'à la fin. Déconseillé à qui recherche : 1° un documentaire sur le Brésil, 2° un film sérieux, 3° une comédie romantique!

• Locataires

Tae-suk arpente les rues de Séoul à moto. Il laisse des prospectus sur les poignées de porte des maisons. Quand il revient quelques jours après, il sait ainsi qu'elles sont désertées. Il y pénètre alors, écoute les messages sur le répondeur, et occupe ces lieux inhabités, sans jamais rien y voler. Une fois dans la place, il répare réveil, radio ou pèse-personne, et se photographie sur place, à côté d'un portrait ou d'un objet identifiables. Parfois les propriétaires reviennent de manière inopinée : ainsi Tae suk se fait-il boxer. Un jour, il s'installe dans une maison aisée où loge Sun-wa, une jeune et jolie femme maltraitée par son mari. Sun-wa part avec Tae-suk : ils deviennent "locataires" et leurs aventures seront à la fois cocasses et tragiques.



 

Une de ces locations aboutit à l'arrestation du couple et Tae-suk fait un bref séjour en prison. Surtout, un sens esthétique hors du commun caractérise ce film de Kim Ki-duk qui a obtenu le Lion d'argent à la Mostra de Venise en 2004 (85 min). "Locataires" est rythmé de scènes répétitives qui s'inscrivent dans notre mémoire du film : cédérom de musique arabe, clubs et balles de golf, salles de bain, et même BMW.


• La Mère Porteuse (Sibaji)


Le film d' Im Kwon-taek avait été projeté au Festival dès sa sortie (1986 - 95 min).

Vingt ans après, Kang Soo-yeon, l'actrice de la "Mère porteuse", était présente le 27 novembre à Nantes, pour recevoir son prix d'interprétation…



Le film nous conduit dans l'aristocratie coréenne du dix-huitième siècle, sous la dynastie Yi. Le noble Shin Sang-kyu et son épouse, Yoon, ne peuvant pas avoir d'enfant, décident d'engager Soon-ok comme "mère porteuse" (sibaji) pour assurer une descendance et le culte des ancêtres. Quand la nuit de leur première rencontre est choisie, Sang-kyu essaye de se révolter, mais Yoon, craignant d'être répudiée, arrive à le convaincre. Son oncle aussi intervient :
 

Sang-kyu persuadé par son oncle de recourir à une sibaji


Soon-ok c'est-à-dire Ok-nyo est très belle. Pour Sang-kyu, c'est le coup de foudre. Son amour grandit tandis que Yoon devient jalouse. Ok-nyo est enceinte, à la satisfaction de toute la famille. À son tour, elle devient amoureuse de Sang-kyu au point d'oublier son rôle de "mère porteuse". Elle donne naissance à un garçon que Yoon s'approprie immédiatement. La famille est au comble de la joie.

Kang Sue-yeon dans le rôle de Ok-nyo


Ok-nyo est enjointe de partir sur le champ sans même voir son enfant. Effondrée, Ok-nyo se suicide : la pendaison, tête hors-champ, est la scène finale.
Par les décors et les costumes, on retrouve en quelque sorte l'atmosphère du film "Ivre de femmes et de peinture" (2002). Le film brille aussi par sa musique, impressionnante, par la puissance des personnages, par la beauté de Kang Soo-yeon. Parmi les scènes les plus remarquables, il y a celle de l'accouchement, terrible, et celle de la fête du culte des morts, envoûtante. D'une manière générale c'est la découverte des usages, raffinés et brutaux à la fois, d'une civilisation trop peu connue en France.


• Le Village de Kilsottum

Un autre film du coréen Im Kwon-taek…(1985 - 105 min.) -  Hwayong est heureuse dans son ménage et n'a pas de souci matériel. Un jour sa vie de sud-coréenne est bouleversée par une émission de télévision sur la séparation des familles pendant la guerre (1950-1953). Hwayong, orpheline très jeune, était tombée amoureuse de Tongjin dont la famille ne voulait pas qu'ils se marient. Hwayong, enceinte, s'en était allée accoucher ailleurs, loin du village de Kilsottum. Les circonstances de la guerre l'avaient alors séparée de Tongjin, qui, de son côté l'avait recherchée en vain pendant des années (elle l'avait cru mort), et séparée aussi de son enfant qui avait été envoyé dans un orphelinat.

Lors de la projection d'une vidéo dans une émission consacrée aux retrouvailles des Coréens, Hwayong croit reconnaître son fils en la personne d'un jeune homme peu raffiné. Essayant tout de même de le retrouver dans la foule massée devant la station de télévision KBS a Séoul, Hwayong —encouragée par son mari— rencontre tout à coup Tongjin. Après leur longue séparation, ils ne se sentent pas très à l'aise. Cependant ils partent ensemble pour Chunchon dans l'espoir de retrouver leur fils. À voir ce qu'il est devenu et comment il vit, elle en est choquée. Malgré son instinct maternel, malgré les analyses de laboratoire, elle se sent incapable –elle la fière bourgeoise qu'elle est devenue– de franchir le gouffre qui la sépare de son fils. Elle renonce à son désir de se retrouver réunie et retourne à Pusan pour une seconde séparation. Du coup, elle se sépare aussi une seconde fois de Tonglin.

Cette version coréenne de "Perdu de vue" n'est sans doute pas le meilleur film d'Im Kwon-taek. Elle se termine sur un plan où Hwayong est en route pour rentrer à son foyer. La radio évoque le fait que les deux Corées ne font qu'une nation, en totale contradiction avec ce que le film nous a montré : l'impossible réunification familiale.

 


• Ça ne fait pas si mal que çà *

Ce film équatorien (ah on fait donc du cinéma en Équateur?) de Daniel Andrade et Anahi Hoeneisen (2006 - 84 min) raconte les retrouvailles de cinq femmes des classes moyennes qui ont quitté le lycée quinze ans auparavant et ne se sont pas revues entre temps. Les comédiennes, toutes brunes, jouent avec finesse ce film sensible sur la quête du bonheur qui recule quand on l'approche. La mise en scène est très urbaine : rien de touristique, ni Indiens ni forêt vierge. Pas du tout un film macho.


• Entre temps (Mientras Tanto) *

Le film de Diego Lerman (2006 - 96 min) nous fait suivre la vie quotidienne, les tracas, les occupations, les désirs, de deux femmes en particulier et d'une douzaine de personnages secondaires. On trouve un couple qui s'est défait (elle est inquiète pour la santé de sa fille et lui partira peut-être travailler en Espagne), un couple dont le mari est stérile et dont la femme veut un enfant à tout prix, un couple  qui va se former avec un potier (encore !) qui possède un chien appelé Victor, vit avec sa mère et à cause d'elle licencie son employée, mais aussi deux gars qui se font tatouer un ornithorynque sur le bras droit, une bonne qui n'aime pas le chien : il vient souiller le carrelage d'une superbe cuisine et ça finira dans le sang. Le troisième chien, un jeune chiot, vient distraire la petite qui est guérie maintenant.
Mais qu'est-ce que les réalisateurs argentins ont donc avec les chiens depuis le superbe "Bonbon el perro" ? Est-ce que la clé du succès est dans le chien ? Forcément, il y a aussi une femme vétérinaire.


• Nacido Y Criado *

Film de Pablo Trapero (2006 - 100 min) qui nous entraînera de Buenos-Aires en Patagonie. Santiago est décorateur et ses affaires marchent bien, de même que son couple. En se rendant dans la maison de campagne de sa mère, il a un accident de voitures. Il crie "Jose" (le nom de sa fille) au moment où sa voiture prend feu —et : plan noir.

Puis blanc : on se retrouve en train d'atterrir à l'autre bout de l'Argentine, sur un aéroport désolé d'une Patagonie enneigée et désertique. Là, Santiago travaille comme modeste employé. Il est alors l'un de ces "NYC", c'est-à-dire, nés-et-grandis au Nord qui viennent travailler temporairement au sud du pays. Contrairement à ce que je pensais au vu du pitch, la "disparition" n'a pas ici de véritable connotation politique (cf. les années de la dictature avant 1985) puisque l'action se passe dans l'Argentine de 2005.

Le réalisateur nous montre que Santiago ne va pas bien : sa barbe a poussé, il se réveille pour vomir, il tente de joindre au téléphone Victoria sa mère. Il demande à parler à Jose. Ce n'est jamais possible. Il raccroche. Cela à plusieurs reprises. Il ne prend pas non plus les communications qui lui sont adressées sur le portable de son camarade —qui est lui anxieux de devenir père (comme Pablo Trapero l'a dit au public après la projection). Après une hallucination lors d'une partie de chasse, Santiago raconte à son confident le peu qu'il sait de son accident et de sa fuite hors de l'hôpital. Il est alors convaincu qu'il faut revenir à Buenos Aires pour tout savoir. On l'a compris, Josefina était morte dans l'accident.
Dernier plan et happy end quand même : de retour à Buenos Aires, il retrouve Millie son épouse. Un film vraiment intéressant.

 


• Bamako

Abderahmane Sissako a réalisé avec "Bamako" (2006 - 115 min) le film-procès de la mondialisation. Pris dans l'étau de la dette et de l'ajustement structurel, le continent africain lutte pour sa survie. Face à ce drame, des représentants de la société civile africaine intentent un procès aux institutions financières internationales. Le procès se déroule à Bamako, dans la cour d'une maison, au milieu des habitants qui vaquent à leurs occupations, attentifs ou indifférents aux débats. Parmi eux, Chaka et Melé. Elle est chanteuse dans un bar (cf. chanson interprétée au début et à la fin du film), il est sans travail, leur couple se désagrège.


Le procès de la Banque Mondiale et du FMI est fondé sur les arguments habituels de leurs adversaires, avec un appui statistique récent. L'argumentation évolue en accusation de la mondialisation. Le point faible de l'accusation est que tout va mal à cause des autres et du reste du monde comme s'il y avait un complot ourdi par le monde entier contre l'Afrique noire. En historien, je ne peux pas être d'accord avec cette thèse du complot et je constate que le procès de la mondialisation prend trop souvent cette direction. En géographe, —un économiste dirait sans doute la même chose— je dois insister sur cette question de la dette : l'accusation montre à juste titre son poids croissant, mais rien n'est dit de sa cause ! Pour l'Afrique sub-saharienne, est-il vrai que tout était mieux avant : non seulement avant les années 1980-2000, mais avant les cinq ou dix derniers siècles ?

Mais l'intérêt du film n'est pas dans ce débat type TPE de Première ou Terminale. Il réside dans l'imbrication entre le procès et la vie quotidienne. C'est une sorte de tour de force. Le quotidien, par sa force d'évidence, bouscule les beaux discours. On voit une société où les femmes ont l'initiative et travaillent beaucoup alors que du côté des hommes, si les uns misent sur l'émigration, les autres attendent sur leur banc que l'État leur donne un emploi. Souvent, la vie quotidienne est plus forte que le procès ; elle le perturbe ou l'interrompt : le bain de la petite fille, le laçage de la robe de la maîtresse des lieux, le remplissage des seaux pour la teinture, l'étendage des tissus, la traversée de la concession par un mariage, la maladie d'un des habitants, le vol du revolver du gendarme. Le procès, lui, ne change finalement rien : le voleur du revolver s'en sert pour se suicider. Évidence : l'Afrique se suicide en continuant sur cette lancée.

Une lecture nécessaire : Stephen Smith "Négrologie. Pourquoi l'Afrique meurt" (Calmann-Lévy, 2003, 248 pages).

 

 

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