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Vassili Axionov est né de parents communistes en pleine époque de terreur stalinienne. Sa mère Evguénia Guinzbourg perd son poste à l'Université et est arrêtée en 1937 ; juive et accusée de trotskysme, son avenir est sombre. Déportée en Sibérie orientale elle survit miraculeusement au goulag puis rédige sa biographie en deux volumes ("Le Vertige" et "Le Ciel de la Kolyma") publiés en samizdat puis en Occident, en France aux éditions du Seuil en 1967 et 1990. Avec de telles origines "douteuses", Vassili Axionov doit écrire bien sagement selon les règles du "réalisme soviétique" pour avoir des chances d'être publié. En d'autres termes : des héros positifs et pas de critique du système au pouvoir. Cependant il ne passe la barre que de justesse, avec dit-on un coup de pouce de Khrouchtchev, en 1960 ; l'année suivante il devient membre de l'Union des Écrivains. Si le titre russe de ce premier roman est « КОЛЛЕГИ », le titre français, "Confrères", renvoie effectivement au monde médical.



⇛ En effet, le jeune écrivain a acquis cette expérience avec des études de médecine terminées à Leningrad (auj. Saint-Petersbourg) en 1956. Affecté aux Services sanitaires du port puis nommé dans une bourgade au bord du lac Onéga, en Carélie, c'est sur ce passé proche qu'il bâtit l'intrigue de son premier roman, publié en URSS en 1960. Les trois amis, principaux personnages du récit, sont de jeunes médecins qui, au sortir de l'Ecole de médecine de Leningrad, doivent partir pour une première affectation : Vladislav Karpov et Alexis Maximov restent dans l'ex-capitale, affectés aux Services sanitaires du port, tandis qu'Alexandre Zélénine est affecté à Krouglogorié village imaginaire au bord du lac… Onéga, vous avez gagné. Leur entrée dans la vie professionnelle et l'évolution de leur vie affective se croisent au cours des chapitres, jusqu'à ce que l'idéaliste Zélénine, après avoir rencontré Inna, une pianiste moscovite, soit sauvé in extremis par ses deux camarades de promotion, non de l'amour d'Inna mais de la mort qu'a voulu lui donner Fédor Bougrov, un mauvais sujet, ivrogne bien sûr et malfrat local, déçu de son influence auprès d'une infirmière dynamique, Dacha, la vraie blonde aux yeux bleus.

⇛ Même si ce premier roman n'est qu'un examen de passage, même s'il est à la gloire d'un héros positif, on y trouve quelque intérêt. Évidemment le médecin de campagne Zélénine est un homme plein de qualités ; il prêche contre l'alcoolisme et en sauve le cocher Philémon ; au lieu de se rendre à la gare accueillir son amie il saute dans un hélico pour aller sauver un chasseur blessé par un ours ; il s'entend avec le chef du village kolkhozien, membre du Parti, patriote et vétéran de la guerre ; il écoute Radio-Moscou le soir ; il fait réparer son laboratoire de campagne, etc… Mais les différents personnages sont plutôt bien campés, avec une économie de moyens, — point trop de mélo —, de même que les lieux sont évoqués rapidement, sans s'attarder dans de lassantes descriptions. Et puis il y a ces citations de chansons, de poèmes, qui ponctuent plusieurs chapitres et que l'on retrouve dans les œuvres suivantes. Et des allusions littéraires comme la liaison de Tourguéniev avec la cantatrice Pauline Viardot, ou artistiques au cours d'une soirée pétersbourgeoise où explose une controverse sur la peinture abstraite.

L'année 1963 marque le lancement d'Axionov en France avec la publication de "Confrères" publié aux Éditeurs Français Réunis, puisque Julliard publie le second titre de l'auteur russe : "Billet pour les étoiles", et que Pierre Daix donne un article, « Axionov et le réalisme », aux "Lettres françaises" (n°982) tandis que "Les Temps modernes" (n°202) publient une nouvelle ("L'écrevisse") traduite par Claude Ligny [source: Cahiers du monde russe et soviétique, année 1964]. Mis sur orbite par le PCF, le "spoutnik" Vassili Axionov va peu à peu dévier de sa course et révéler sa vraie personnalité littéraire critique et fantaisiste. Ses prochains romans, au temps du camarade Leonide Brejnev qui a chassé du pouvoir "Monsieur K" en 1964, finiront par ne plus franchir l'obstacle de la censure, à force de parler de jazz et de rock, de filles et de jeans, mais aussi à cause de sa participation active à une revue d'opposition, Métropole. Expulsé d'URSS en 1980, il y reviendra en 1989 avec la perestroïka, hissé sur le piédestal d'une œuvre qui n'aura plus grand chose de commun avec ces "Confrères" d'après-guerre.



• Vassili AXIONOV - Confrères
Traduit du russe par Jean Cathala. Les Éditeurs Français Réunis, 1963, 255 pages.

 

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Tag(s) : #LITTERATURE RUSSE
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