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Leonardo Sciascia (1921-1989) est souvent présenté, à juste titre, comme un auteur attiré par la politique. Natif de Racalmuto, en Sicile, il plaça dans son île natale l'action de plusieurs de ses romans : "Les paroisses de Regalpetra", "Les Oncles de Sicile", ou encore ce merveilleux "Conseil d'Egypte".


L'action se passe à Palerme à la fin du XVIIIe siècle. Le vice-roi Caracciolo  cherche à réduire l'influence de l'Eglise, par exemple en raccourcissant la fête de sainte Rosalie. Sciascia nous montre toute une société dominée par le vice-roi — puisque le roi règne sur le Mezzogiorno depuis Naples — par un clergé nombreux et par une galerie de grands propriétaires absentéistes, agrippés à leurs privilèges, et dont les terres proviennent des fiefs conquis à l'époque normande quand la domination arabe fut refoulée. D'autres élites sont influencées par les idées nouvelles venues de France et d'Italie du Nord ; ainsi l'avocat Di Blasi, jeune amant de la comtesse de Regalpetra, est un lecteur assidu de Voltaire et Diderot, un admirateur des jacobins français au point de mijoter un soulèvement révolutionnaire.


A l'opposé, Giuseppe Vella est un obscur prêtre venu de Malte, qui vivote tant bien que mal, et que sa connaissance de l'écriture arabe va subitement propulser au cœur de l'actualité politique et culturelle de Palerme. Après avoir servi de cicerone à un diplomate marocain, ben Olman, dont le navire s'est échoué, il se trouve poussé par l'évêque Airaldi à tirer parti d'un vieux manuscrit arabe trouvé au monastère de San Martino, bien que ben Olman n'y ait vu qu'une banale édition de la vie de du Prophète. La duperie servirait aussi les ambitions d'un homme qui rêve de devenir abbé, de briller dans les cercles de la cour, et de plaire au vice-roi dont les préoccupations politiques sont de casser les privilèges des aristocrates. Après "Le Conseil de Sicile", Giuseppe Vella va donc forger un second faux : "Le Conseil d'Egypte". Ainsi se trouve produit un ouvrage historique sur mesure où le pouvoir du roi de Sicile sur ses barons est manifeste : de quoi enraciner et justifier au mieux l'absolutisme.


Mais notre homme a-t-il les connaissances suffisantes de la langue arabe ? Est-il vraiment à même de traduire honnêtement ces vieux parchemins ? Le secret sera-t-il suffisamment gardé autour du travail du faussaire dont l'homme de confiance, le moine Cammilleri, paraît bien douteux ? Bien sûr, la réponse est non. Le lecteur dégustera avec un plaisir certain la progression de l'enquête officielle de Grassellini sur le vol du "Conseil d'Egypte" déclaré par Vella et de l'imbroglio qui s'ensuit. Quant à Di Blasi, donc les oncles bénédictins figurent parmi les admirateurs de Vella, pourra-t-il impunément mettre en branle sa révolution ?

 
• Leonardo SCIASCIA : Le Conseil d'Egypte
Traduit par Jacques de Pressac. Gallimard, Folio, 2003, 267 pages
Sorti chez Einaudi en 1963, “Il Consiglio d'Egitto“ a été publié en France par Denoël deux ans plus tard, puis au Livre de Poche, n°4809, et figure aujourd'hui au catalogue Folio.

 
 
Tag(s) : #LITTERATURE ITALIENNE
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