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L'auteur, spécialiste du Mexique, expose l'histoire de sa capitale selon un plan en aller-et-retour rarement vu. Dans une première partie on part du XXe siècle pour remonter de siècle en siècle jusqu'à l'époque aztèque, en suivant l'histoire culturelle, et après la fondation de Mexico-Tenochtitlán, les siècles se déroulent selon la chronologie pour suivre l'évolution politique et sociale.

À l'époque aztèque Mexico et ses campagnes forment un tout, l'altepetl (en nahuatl), caractérisé par le milieu lacustre parsemé des jardins "chinampas" où la ville est bâtie à partir de 1325 avec en son centre le temple semi-circulaire de Quetzalcoatl et le Grand Temple de Tlàloc et de Huitzilopochtli, le dieu-aigle qui aurait guidé les Mexica jusqu'au site de leur future ville : « Retournez dans les roseaux ; là vous verrez le cactus tenochtli et joyeusement posé dessus l'aigle dressé, l'aigle qui dévore et se chauffe au soleil, et là sera notre cité Mexico-Tenochtitlán.» Un siècle passe. Sous Moctezuma I° Mexico est devenu une capitale selon le modèle mythique de Tollan et de Teotihuacán, « un peu comme les Européens du Moyen-Âge et de la Renaissance faisaient de Rome ou de Jérusalem la ville idéale, le modèle insurpassable à imiter…». En 1487, le Grand Temple a été reconstruit : à cette occasion des
milliers d'Indiens furent sacrifiés — de 20 000 à 80 000 selon les sources — en présence d'un public venu de tout le Mexique, un rassemblement tel qu'on n'en verra plus avant les Jeux Olympiques de 1968. En 1519, sous Moctezuma II, arrivent les Espagnols de Cortés qui finissent par s'emparer de la ville en août 1521. Choc des civilisations…

La période coloniale va durer exactement trois cents ans. Le XVIe siècle voit la population indienne chuter devant les maladies venues d'Europe. En même temps c'est la reconstruction de la ville autour du "zocalo", du palais du vice-roi, de l'archevêque, etc. Les Franciscains évangélisent les Indiens, apprennent le latin à certains et la langue nahuatl passe à l'écrit. Les églises et les couvents se multiplient et s'ornent de riches décors. En 1697, le napolitain Gemelli Careri dénombre 22 couvents de religieuses et 29 monastères d'hommes : « Tous les pouvoirs et toutes les maisons se trouvent aux mains des ecclésiastiques.» Il a un peu exagéré : les Jésuites seront expulsés quelques décennies plus tard. Careri note aussi l'importance des processions. La Vierge de Guadalupe est proclamée patronne de Mexico en 1737 : cela faisait bien deux siècles qu'elle était apparue à l'Indien Juan Diego, qui avait rapporté la chose à l'évêque Zumarraga, forcé de reconnaître un miracle. Au fil des temps, les Indiens des quartiers (parcialidades) de (Santiago) Tlatelolco au nord et (San Juan) Tenochtitlàn au sud sont peu à peu mélangés à des populations de métis, de mulâtres, de créoles mais guère d'Espagnols de naissance. Passé 1750, les autorités civiles et religieuses combattent les coutumes indiennes au nom des Lumières et du Despotisme éclairé. Les voyageurs étrangers constatent dès cette époque un accroissement des inégalités sociales, une misère croissante parmi les Indiens. Constamment redouté par les Espagnols, le grand soulèvement des Indiens n'a pourtant eu lieu qu'en 1692. En revanche, les inondations à répétition ont marqué la ville jusqu'au XIXe siècle ; aujourd'hui les chinampas ont disparu et la ville manque d'eau.
 

 

 L'indépendance du Mexique en 1821 a fait entrer Mexico dans une longue période de stagnation économique et culturelle et d'instabilité politique, les libéraux et les conservateurs alternant brutalement au pouvoir. Il y eut Santa Ana, Benito Juarez, Maximilien de Habsbourg…  Sous la dictature de Porfirio Diaz, la Belle Époque est marquée à Mexico par de nombreuses innovations (grands magasins, tramways, cinéma…) Du Mexico maniériste puis baroque, il reste aujourd'hui peu de choses à cause des destructions importantes d'églises et de couvents opérées vers 1850 au nom de l'anticléricalisme. Plus récemment, le séisme de 1985 a abattu des bâtiments anciens aussi bien que récents (hôpitaux, administrations). Mais le pire a peut-être été la spéculation immobilière qui s'est déchaînée depuis 1929 (création du district fédéral et urbanisation des terres indiennes collectives). Après la Révolution socialiste de 1910, Mexico retrouva une forte notoriété et attira les avants-gardes : le mouvement "estridentista" proche des futuristes, les muralistes (Diego Rivera, Orozco, Siqueiras…), les surréalistes… Mexico attira les écrivains étrangers (Maïakovski, Graham Greene, D.H. Lawrence, Jack Kerouac…). Surtout, Frida Kahlo (biographie par Hayden Herrera) occupe une place centrale dans le Mexico artistique du XXe siècle tandis que les "telenovelas" viennent en tête des divertissements populaires. Mais parmi ceux-ci, l'auteur souligne que la musique et la danse représentent une formidable aventure de métissage culturel brassant les héritages européen, indien, africain... Avec près de 20 millions d'habitants, Mexico est de nouveau l'une des plus grandes villes du monde. Comme au temps où Moctezuma II monta sur le trône de l'aigle.

  Bref, cet ouvrage est extrêmement riche du point de vue culturel, et il se moque bien des touristes venus écouter les "mariachis" dans un centre historique en voie de "disneylandisation". Revers de la médaille, il est pauvre du point de vue de la géographie et il ne peut remplacer un guide touristique, le seul plan (ci-dessus) datant de 1628…

• Serge GRUZINSKI. Histoire de Mexico
Fayard, 1996, 454 pages.

 

Tag(s) : #HISTOIRE GENERALE, #MEXIQUE
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