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Oui, je sais, l'auteur est venu au roman après un détour par le terrorisme... Et je ne veux encore moins évoquer le douteux soutien du président François Mitterrand pour que Cesare Battisti n'aille pas purger sa peine dans une prison italienne, comme si ce pays était pestiféré — pourtant, à ma connaissance, ledit Mitterrand ne crachait pas sur lesséjours vénitiens.

Même si l'auteur était inconnu des pages judiciaires, “Le cargo sentimental" aurait dû trouver des lecteurs — mais aurait-il eu un éditeur sans la renommée sulfureuse de Cesare Battisti ? Or, voici un roman, sans doute autobiographique, et à coup sûr habile et captivant. L'auteur, qui a par ailleurs écrit plusieurs polars, a un vrai talent de conteur. Ici sont entremêlées les aventures du père et celles du fils — ô seulement quelques-unes, et  sans entrer dans les détail des années de plomb.

Le père, — mais est-il réellement le père biologique ? — le père donc est un paysan pauvre ; il a fait un peu de résistance face aux Allemands et aux fascistes ; il cultive un morceau de terre du côté des Marais Pontins que Mussolini a fait aménager, avec une ville nouvelle au milieu des bonifications, Latina. Les exploits du père, devenu malgré lui résistant sous le pseudonyme de Teodoro, sont un peu ridicules, certes, jusqu'à ce qu'à l'âge de 77 ans il aille avec son fusil de chasse démolir le plafond du bureau d'une préfecture qui refusait son neuvième dossier de retraite de combattant.

Le fils, — mais de qui est-il le fils ? — abandonne l'école et la famille pour courir après des utopies et des filles, surtout une en fait, Silvana. Alors qu'elle est enceinte, celle-ci quitte le révolutionnaire bon à rien : mais pourquoi ?  Et disparaît de son horizon. Environ vingt-cinq ans plus tard, Silvana meurt en France quelque part du côté de Bordeaux. Tandis que les "réfugiés politiques" se divisent sur le retour en Italie ou la poursuite de leur clandestinité, plus que sur la qualité des vins, le narrateur abandonne l'espoir d'obtenir un numéro de Sécu pour celui de retrouver sa fille.

Joliment mené, émaillé de formules savoureuses, le roman autobiographique mène donc le lecteur du Latium à Paris et de Paris à Bordeaux. Le narrateur se retrouve à Saint-Macaire, en plein vignoble, sur les traces de Silvana et de sa fille Nada ; d'étonnantes révélations familiales l'y attendent. Après quelques épisodes juste un peu trop bavards le "cargo sentimental" s'échoue enfin, non dans le "port de la lune", mais au pied des dunes de la côte landaise.

Cesare BATTISTI - Le cargo sentimental
Éditions Joëlle Losfeld, 2003, 196 pages.

•••• Lire à propos du prolongement récent (janvier 2009) de l'Affaire Battisti un article du blog "Andiamo !" que me signale Enzo Barnaba — que je remercie ici. L'indignation de l'opinion italienne y est parfaitement expliquée.


 

Tag(s) : #LITTERATURE ITALIENNE
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