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Djaïli Amadou Amal, jeune peule musulmane originaire du Nord Cameroun, a été mariée à dix-sept ans puis répudiée et divorcée. Elle a fondé une association permettant aux jeunes filles de poursuivre leurs études et de s'émanciper. Ce premier roman vient de recevoir le prix Goncourt des Lycéens à juste titre... D. Amadou est la première femme à oser briser les tabous que la société sahélienne impose à la condition féminine : le poids des traditions, le pouvoir des hommes et la polygamie. L'auteur narre le destin de Ramla, Hindou et Safira qui ont osé refuser les diktats de leur entourage aisé.

 

À dix-sept ans, élève de terminale, Ramla rêve de devenir pharmacienne, mais son père la marie à Alhadji Boubakri et reste sourd à son refus révolté. De même sa mère, qui a toujours souffert de la polygamie mais a su tout supporter pour éviter la répudiation et protéger ses enfants. La jeune fille finira par s'enfuir, chassée pas Safira, la première épouse. « Farouche et possessive » celle-ci vit depuis vingt ans un mariage d'amour et n'accepte pas cette seconde épouse. Elle multiplie les stratégies plus ou moins honnêtes pour éloigner Ramla. Quand Alhadji menace de mort la jeune fille, Safira est prise de remords : trop tard, Ramla s'enfuit rejoindre son frère Amadou à Yaoundé.

Hindou, la sœur de Ramla, se voit forcée d'épouser son cousin Moubarak, voyou alcoolique et coureur drogué au Tramadol et au Viagra. Il la bat et la viole dès la nuit de noces, mais nul ne s'en émeut car « le viol n'existe pas dans le mariage ». La jeune fille réussit à s'enfuir mais son oncle la retrouve et la ramène dans la concession.

 

Ce roman dénonce l'emprise des pères et des oncles. La jeune fille n'a aucun pouvoir de décision et constitue un objet de transaction selon les intérêts familiaux. « L'amour n'existe pas avant le mariage. On n'est pas chez les Blancs ici ». Être riche, comblée de toilettes et de bijoux doit suffire au bonheur des femmes que l'école rend rebelles.

Ce roman révèle aussi les conflits qu'engendre la polygamie. Pour toutes, le mariage n'est qu'angoisse et désillusion car « il n'y a pas pire ennemie pour une femme qu'une autre femme ». La jalousie et la haine les déchirent quand toutes doivent obéissance et respect à la première épouse, la daada saaré.

Ce roman révolté et révoltant fait aussi découvrir les rituels du mariage : tambours, griots et you-you, mais aussi les marabouts pour protéger la jeune mariée des djinns et les décoctions d'herbes magiques afin de « me rendre agréable à cet époux dont je ne veux pas et de me protéger de cette coépouse qu'on m'impose ».

Patience, c'est le mantra donné à ces jeunes femmes pour supporter les violences car « au bout de la patience il y a le ciel ». On ne pourra rester indifférent à ce récit en partie autobiographique.

 

Djaïli Amadou Amal. Les Impatientes. Éditions Emmanuelle Colas, Paris, nov. 2020, 240 pages. Première parution sous le titre Munyal, les larmes de la patience, aux éditions Proximité, Yaoundé, 2017.

 

Chroniqué par Kate

 

 

Tag(s) : #LITTERATURE AFRICAINE, #CAMEROUN
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