Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Dans ce bel essai de géostratégie à la portée du grand public, l'expert reconnu qu'est François Heisbourg se penche sur la situation de l'Europe dans le monde actuel et — symboliquement — jusqu'en 2049 quand Pékin fêtera le 100ème anniversaire de la République populaire. D'ici là, l'Europe court le risque que la Chine voire d'autres prédateurs, Russie et États-Unis, aient grignoté sa souveraineté, comme l'Empire céleste l'avait subi entre 1840 et 1945. L'Europe ne doit pas se résigner au déclin sans réaction.

 

Malgré leur poids dans les échanges mondiaux, les Européens doutent d'eux-mêmes contrairement aux autres puissances. « Ce sont les Européens, saoulés de guerres catastrophiques et revenus des empires perdus, qui ont du mal à se penser collectivement en termes de modèle partagé ou de vision mobilisatrice.» L'interminable chantier de la construction européenne ne les inspire que modérément ; Bruxelles n'a pas imposé de « vision mobilisatrice ». Au contraire, « la Chine a bâti avec méthode un récit national de l'humiliation et des atrocités subies aux mains des Occidentaux et des Japonais », de même la Russie humiliée par l'effondrement du système soviétique aspire à retrouver une grandeur qui tient du tsarisme associé à l'orthodoxie, tandis que les États-Unis échaudés par le choc en retour de la mondialisation ne font plus confiance au multilatéralisme qu'ils avaient pourtant conseillé au reste du monde depuis 1945, lui préférant un bilatéralisme chaotique sous la présidence de Trump. Bref, Chine, Russie et États-Unis s'érigent en prédateurs et l'Union européenne risque d'être leur victime dans un monde où jaillissent de nombreuses difficultés suite au réchauffement climatique.

 

François Heisbourg analyse minutieusement les capacités de ces rivaux et les conséquences pouvant en résulter pour l'Europe. Une « équidistance tous azimuts » n'étant pas vraiment réaliste, il met en garde contre trop de rapprochements ingénus avec Moscou ou avec Pékin. L'exceptionnelle réussite des Trente Glorieuses de la Chine, devenue l'autre superpuissance — et demain la seule ? —, oblige l'Europe à prendre ses précautions, non pas simplement au moyen d'un réarmement qui reste nécessaire face à la Russie, ni par des mesures fiscales et juridiques comme il importe face à l'Amérique et à ses Gafam, mais d'urgence au niveau technologique. La menace d'un système dont les entreprises ne peuvent rien refuser au PCC oblige à écarter de la future 5G européenne les firmes chinoises comme Huawei ; c'est ce qu'ont déjà compris les États-Unis, avec lesquels les Européens doivent améliorer leur coopération dans le cadre de l'Otan, selon l'auteur, notamment dans le domaine nucléaire militaire. L'Union européenne a survécu à la crise grecque et au Brexit : l'espoir est permis.

 

François Heisbourg : Le Temps des prédateurs. La Chine, les États-Unis, la Russie et nous. Odile Jacob, avril 2020, 237 pages.

 

Tag(s) : #ESSAIS, #MONDE ACTUEL, #EUROPE, #CHINE
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :