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Dans le monde anglophone, il est remarquable que le Nigeria a donné naissance à un grand nombre d'écrivains de qualité. Parmi les auteurs masculins, Wole Soyinka (Nobel 1986), Chinua Achebe, Ken Saro-Wiwa, ou encore Helon Habila, sont parmi les plus connus. Du côté des femmes de lettres, les noms qui viennent à l'esprit sont ceux de Chimamanda Ngozi Adichie, ou de Seti Atta. Il convient désormais d'ajouter Lola Shoneyin dont le premier roman a été publié en 2016 dans la riche collection “Lettres africaines” que dirige Bernard Magnier chez Actes Sud.

 

Chef d'entreprise — il vend des matériaux de construction — Baba Segi avait déjà trois épouses : Iya Segi, Iya Tope, Iya Femi. Elles lui avaient donné chacune des enfants. Mais voilà que Baba Segi s'est mis en tête de prendre une quatrième épouse : Bolanle, une diplômée de l'université. Au lieu de tenir de grands discours féministes, l'auteure dézingue ici complètement la polygamie en recourant à la fois aux armes de la comédie et de la tragédie. Pas seulement la polygamie d'ailleurs : c'est aussi l'arrogance masculine qui en prend un sacré coup sur le nez, et la société nigériane en général n'est pas épargnée. Mais on n'en dira pas trop...

 

Organisé en roman choral, « Baba Segi, ses épouses, leurs secrets » donne principalement la parole aux épouses, à tour de rôle. Elles se dévoilent et racontent leurs drames, leurs parcours d'intrigantes et surtout de victimes. L'une d'elles, Iya Tope, a été vendue parce que la récolte de manioc n'était pas suffisante pour honorer le contrat de son père avec un commerçant d'Ibadan. Une autre, c'est Bolanle, a été enlevée en sortant du lycée et violée par un inconnu, puis alors qu'elle couchait avec son voisin étudiant en médecine, elle a été témoin du meurtre du père de son amant.

 

Quatre épouses sous un même toit. On voit les jalousies domestiques, les rivalités prendre corps et exploser jusqu'à une tentative pour éliminer la dernière venue dans la maisonnée de Baba Segi. Parce qu'elle est plus jeune, qu'elle a fait des études, et que sa présence elle-même les menace, Bolanle est la cible d'un complot. Mais le stratagème rate, la fille aînée de la maison trouvera la mort, mais pas avant que n'éclate le mensonge sur lequel vivait un Baba Segi très imbu de lui-même.

 

En effet, comme le ventre de Bolanle tardait à s'arrondir, Baba Segi s'était résolu à l'emmener consulter un spécialiste après en avoir discuté avec Teacher, le tenancier du bar qu'il fréquente. Stupéfaction : après divers examens, il apparaît que la personne stérile c'est Baba Segi, et — scène tragi-comique — c'est par la confession théâtrale de sa première femme qu'il l'apprend devant un médecin médusé. 

 

Ce roman drôle et triste, plus psychologique que sociologique, mérite d'être lu. On y découvre une société où la violence l'emporte sur le droit, une société où le sort des femmes n'est pas du tout ce qu'il devrait être. Et aussi une écriture dynamique qui se dévore.

 

Lola Shoneyin. Baba Segi, ses épouses, leurs secrets. Traduit de l'anglais (Nigeria) par Isabelle Roy. Actes Sud, 2016, 290 pages.

 

Tag(s) : #LITTERATURE AFRICAINE, #NIGERIA
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