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De qui se moque-t-on ? Dans ce roman écrit à coups de poings et débordant de provocations, l'académicien Andreï Makine a une façon de partir en guerre contre le monde actuel qui ne laissera personne indifférent au risque de ne plaire à personne.

 

Ne cherchons pas de héros ici, nous ne verrons que des personnages. Faux-héros donc, Vivien de Lynde animait un groupe de jeunes « hussards » grincheux contre la société présente, métissée et multiculturelle, atteinte de « crétinisme » et trop ouverte sur l'extérieur pour leur goût de réactionnaires nostalgiques d'un ordre noir périmé. Vivien s'est suicidé dans la fleur de l'âge, outré par l'entourloupe d'une séduisante mais perfide documentariste, qui a enregistré tous leurs propos nauséabonds, haineux et racistes. Auparavant, il a commis un ramassis romanesque intitulé « Le grand déplacement », imaginant la déportation massive vers la Libye, d'habitants de la France jugés dangereux ou simplement malfaisants par les autorités nouvelles. Le roman malsain de cette magistrale épuration, à supposer qu'il soit publiable, qui va le publier ? Revenue de ses vaines aventures sexuelles et humanitaires, la mère de Vivien, Gaia de Lynden se tourne vers le narrateur pour envisager la publication de ce brûlot. En effet, avant de se suicider, Vivien avait croisé la route de Gabriel Osmonde et commencé à lire son chef-d'œuvre, « Alternaissance », qui aurait pu le conduire à une existence supérieure. Double littéraire de Makine, Osmonde est présenté ici comme une sorte de gourou dont l'avis sera déterminant. De plus, cet Osmonde est un personnage-clé, un passeur, qui relie une société occidentale triste et usée par la consommation à un lumineux paradis abkhaze, post-soviétique et montagnard où l'on contemple la richesse des étoiles. C'est là que se retrouve autour d'Osmonde un groupe de « diggers », lecteurs du prophète Godbarsky, et bientôt rejoints par Gaia et le narrateur lui-même après un crochet par la Belgique.

 

L'écriture musclée d'Andreï Makine parvient difficilement à convaincre le lecteur de sa bonne intention. Est-il du côté des « hussards » qui déplorent les décombres des temps modernes, ou cherche-t-il réellement une issue vers le haut, une transcendance, une sorte de nouvelle naissance dans un milieu pur, élitiste et éthéré ?

 

• Andreï Makine : Au-delà des frontières. Grasset, 2019, 267 pages.

 

Tag(s) : #LITTERATURE FRANÇAISE
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