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Battues tient du nature writing et du roman de terroir, du polar sanglant, de l'amitié entre potes et même de l'histoire d'amour qui finit (presque) bien — la moindre des choses après 275 pages d'épisodes qui vont tous de travers, rythmés de chapitres au titre généralement noir, comme « Vingt ans après l'accident, neuf jours après le premier cadavre, quinze heures après la fusillade ». La première victime fut Philippe, le garde forestier, ami de Rémi Parrot, mais surtout un écolo radical. Sa disparition provoque une série de battues qui donnent son titre au livre.

Sixième roman d'Antoine Varenne, Battues a pour cadre la Creuse où l'écrivain travaille depuis qu'il a mis fin à son nomadisme. « Vivre ici a autant de sens qu'ailleurs » dit un personnage dans l'incipit. Varenne emmène donc son lecteur dans une France “périphérique” incarnée par la petite ville de R. qui a perdu usine et population. À l'entour, la campagne se meurt : la déprise foncière avance au galop, les sangliers pullulent et menacent le maïs de la famille Courbier. La forêt pousse assurant la fortune des forestiers, les Messenet père et fils. L'existence d'un parc naturel régional témoigne de l'époque nouvelle, celle du patrimoine naturel, et on oublie que dessous les pins Douglas il y avait des mines d'uranium et des galeries secrètes.

Mais il ne s'agit pas que d'économie locale. Ici, tous se connaissent depuis l'école primaire et le collège... Après des années d'absence, Michèle Messenet est revenue ouvrir une boutique de mode. Autrefois c'était elle la petite amie de Rémi Parrot, le personnage central du roman devenu garde-chasse après l'accident de tracteur qui l'a laissé défiguré. Il entend aussi venger son père et la cession forcée des terres qu'il exploitait ; il n'en reste que le terrain de sa toute neuve maison en rondins, ou « fuste ». Michèle c'est la beauté locale et une héritière convoitée. La belle Michèle qui met le feu aux poudres est interrogée par le commandant de gendarmerie, un horsain qui comprend mal ces gens qui partagent une même culture rurale. La narration a ceci de particulier qu'alternent les chapitres à la gendarmerie et les scènes d'action où défilent tous les protagonistes de cette histoire dramatique d'une France rurale contemporaine où les défenseurs idéalistes de la forêt et de la nature risquent de s'opposer brutalement à ceux qui voient dans l'essor du tourisme une planche de salut.

L'omniprésence de la forêt et la violence font penser à Culasse de l'enfer de Tom Franklin ainsi qu'au Dernier arbre de Tim Gautreaux. Et c'est un sacré compliment !

 

• Antonin Varenne. Battues. Éditions Écorce, collection Territori, 2015, 277 pages. Repris en Points Policier en 2016.

 

 

 

 

 

Tag(s) : #LITTERATURE FRANÇAISE
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