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Il n'est guère de port de l'ouest de l'Europe qui n'ait autrefois participé à l' « odieux trafic ».

Bordeaux aurait contribué à 1 % du total des captifs déportés du XVI° au XIX° siècle par l'ensemble des pays négriers des deux côtés de l'Atlantique et le nombre de ses expéditions — 11,5 % de celles parties de France — représente le dixième de celles de Liverpool, triste champion du monde.

Mais laissons les chiffres : la mémoire du trafic négrier — une mémoire aujourd'hui retrouvée — hante Bordeaux comme les autres ports français. Éric Saugera, en spécialiste de la question, nous donne avec ce petit livre toutes les informations susceptibles de faire comprendre au grand public comment ce trafic a été constitutif de la vie du port et de sa région, et a marqué la société locale et les esprits.

Cet ouvrage très richement illustré reprend les étapes de la traite bordelaise depuis la première expédition répertoriée en 1672, celle du Saint-Étienne-de-Paris, à destination de la Guinée, jusqu'aux 41 expéditions à la traite illégale après 1815. Mais c'est l'apogée du trafic au XVIII° siècle qui a le plus marqué la ville, puisque 800 maisons de commerce ont alors armé pour les colonies.

L'argent de la traite, c'est-à-dire le financement de cette activité, aussi bien que l'affectation des profits, trouve ici sa place de manière originale. Aux portraits d'hommes d'affaires, par exemple Jean-Étienne Balguerie et son descendant Pierre Balguerie-Stuttenberg, s'ajoutent les images de belles bouteilles dont les étiquettes renvoient aux châteaux acquis par les armateurs les plus fortunés.

Si quelques Noirs ont vécu à Bordeaux au temps de la traite — au nombre de 208 dans la généralité en 1777 — inversement le commerce triangulaire amena des Bordelais à s'implanter aux Antilles. La vie des Bordelais installés dans ces “habitations” transparaît à travers deux magnifiques tableaux (aujourd'hui au Musée du Nouveau Monde à La Rochelle) représentant deux petites filles de colons en compagnie de leurs nourrices. Quel contraste entre la délicatesse des portraits et l'exploitation coloniale !

Le lecteur qui voudra disposer d'une présentation plus détaillée du sujet se reportera au livre devenu un classique : Bordeaux, port négrier, du même auteur, chez Karthala.

 

• Éric Saugera. Bordeaux et la traite des Noirs. La Geste, 2018, 56 pages.

 

 

Tag(s) : #ESCLAVAGE & COLONISATION, #HISTOIRE 1789-1900
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