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Connu pour ses nouvelles fantastiques, Julio Cortazár a aussi écrit cinq pièces de théâtre. En voici deux.

 

• “Rien pour Pehuajó” qui date de 1950 est une pièce en un acte très caractéristique du théâtre de l'absurde alors fort prisé comme symbole de l'avant-garde. Cette pièce pour treize hommes, cinq femmes et un poulet — vous avez bien lu — se passe dans un restaurant qui sert aussi de bureau de poste. Fidèle et ponctuel, le juge vient déjeuner tous les jours, sauf quand l'un de “ses” condamnés est exécuté. Il apporte à table sa balance — détournant le symbole de la justice — pour peser... ses carottes puisqu'il est végétarien. Or, voilà que son déjeuner est interrompu par l'annonce inopinée d'une exécution, celle de Carlos Fleta ; le juge a donc transgressé la règle qui veut qu'il reste chez lui ce jour-là par respect pour l'exécuté. D'autres événements viennent détraquer la mécanique au fur et à mesure que le Maître d'hôtel paraît jouer aux échecs. Un client veut expédier à Pehuajó des valises, des livres et un singe embaumé, mais « parce qu'un nouveau règlement est entré en vigueur, ce matin à dix heures précises » on ne peut plus rien envoyer à cette ville. Le poulet ayant fait connaître son choix pour sa préparation est servi à Mr Lopez et quand arrive Mme Lopez, elle aussi végétarienne, son mari l'appelle Pamela, puis Lili, alors que le juge, imperturbable, l'appelle Myriam. Elle lui commande une énorme glace à la vanille et au chocolat dans le but de lui faire rompre son régime. Le juge est donc une position intenable et le Maître d'hôtel n'est pas celui qu'on croit... La pièce a été créée en 2000 par Jean Boillot à Poitiers et reprise en 2011 à Nîmes au Télémac.

 

• Pièce radiophonique, “Adieu Robinson” date de 1977 et fonctionne comme une suite du roman de Daniel Defoe. Robinson et son domestique Vendredi arrivent de Londres en avion à l'île Juan Fernandez où ils se sont connus jadis. Mais l'île a changé ; elle n'est plus sauvage ni déserte. Décolonisée elle compte maintenant plus de deux millions d'habitants et un gratte-ciel de bureaux a poussé là où Robinson avait bâti sa cabane... Peut-être par ressentiment envers l'ancienne métropole, les autorités ne tiennent pas à ce que Robinson ait des contacts avec la population locale, Vendredi en revanche est tout de suite devenu le bon copain du chauffeur Banane... À la fin du séjour, Vendredi parle désormais familièrement à Robinson et le qualifie d' « européen vétuste ». L'auteur avait alors contracté une passion de combattant pour l'Amérique latine, comme le prouve aussi “Le Livre de Manuel”, et corrigé le texte de “Rien pour Pehuajó” de manière à faire dire à un personnage qu'il avait la sale tête de Pinochet !

 

Julio Cortázar. Rien pour Pehuajó. Suivi de Adieu Robinson. Traduit par Françoise Thanas. Éditions théâtrales, 2000, 74 pages.

 

 

Tag(s) : #THEATRE
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